Ah ! Cette Noé, avec ses abcès à répétition... On a fini par en découvrir la cause la plus probable. Car ce ne sont pas des abcès provoqués par une blessure extérieure (clou de rue ou autre méchant objet pointu). De l’extérieur, on ne voit rien. D’où deux erreurs de diagnostic, par deux vétos différents, dont un spécialiste des chevaux, qui nous ont affirmé péremptoirement qu’il s’agissait d’une fourbure ! Petit problème : la fourbure se soigne à l’eau froide (bains de rivière) et aux anti-inflammatoires, tandis que le traitement d’un abcès, c’est exactement l’inverse : eau aussi chaude qu’il est supportable sans brûlure, et surtout pas d’anti-inflammatoire.
Et c’était pourtant bien d’un abcès que souffrait la pauvre Noé : quand on a remplacé l’eau froide (que Noé ne supportait plus du tout, et pour cause !) par l’eau chaude, après trois jours l’abcès à soufflé par la couronne. Belle dégoulinade de pus, et gros soulagement pour Noé !
En ce qui la concerne, notre petite jument, il s’agissait donc d’abcès internes aseptiques. En gros, pour une raison quelconque, la circulation sanguine passe mal au niveau du pied. Des tissus se nécrosent. Jusque là, le cheval ne ressent aucune douleur. Mais quand la circulation reprend correctement (après une bonne séance d’ostéopathie, par exemple, ou parce qu’on marche pieds nus, ou pour quelque autre cause…) le sang traite la nécrose comme il le ferait d’un corps étranger. C’est à dire : les globules blancs se mettent en branle et fabriquent du pus ! Ce qui nettoie la nécrose. Le pus s’écoule vers l’extérieur, les tissus se régénèrent en quelques semaines ou quelques mois. La nature est super bien faite !
Un abcès, c’est extrêmement douloureux. Le cheval ne peut plus marcher, même plus poser le pied par terre. À l’intérieur du pied les tissus sont solides et compacts. Donc cet amas de pus provoque une forte pression sur les tissus enfermés dans la boîte cornée. Au début du processus, le cheval est seulement gêné. Ensuite la douleur augmente jusqu’à l’ouverture et le drainage de l’abcès vers l’extérieur. L’abcès est mûr, le pus s’écoule, la douleur disparaît.
Un tas d’autres causes sont possibles, car le pied peut jouer le rôle d’émonctoire. L’émonctoire est un organe qui permet à l’organisme d’éliminer les déchets qui l’encombrent.Le foie, les reins, les poumons, par exemple, sont des émonctoires. Eh bien le pied du cheval a la capacité lui aussi de jouer ce rôle. Ce qui veut dire que les toxines peuvent sortir par le biais du pied. D’où proviennent-elles, ces toxines ? Ça peut être très varié : problème alimentaire, stress, coup, vaccin, vermifuge, etc...
L’abcès est donc un processus d’élimination tout à fait nécessaire. Les toxines accumulées dans le pied enclenchent la mise en route du système immunitaire qui se chargera d’englober les toxines et de tout nettoyer en évacuant le pus ainsi formé.
C’est pour ça que l’administration d’anti-inflammatoires ou/et d’antibiotiques est complètement illogique et contradictoire avec le déroulement de l’abcès.
Creuser pour trouver l’abcès n’aide que temporairement le cheval, car ce processus ne doit pas être entravé ni interrompu sous peine de se répéter jusqu’à élimination totale des déchets.
Voici quelques soins à pratiquer qui pourront être utiles pour n’importe quelle sorte d’abcès.
Quand un abcès se déclare, le plus important, c’est de le faire mûrir aussi vite que possible. Et pour ça, pas de doute, l’eau chaude a depuis longtemps prouvé son efficacité. Attention : eau chaude, pas eau brûlante ! On doit pouvoir y tremper la main sans être obligé de la retirer aussitôt.
Mais cette eau chaude, comment l’appliquer ?
1 - Il y a la solution bain de pied. C’est encore plus efficace si on peut ajouter de l’eau de javel (dilution 10 %) Encore faut-il que le cheval accepte de rester tranquillement 20 minutes sans broncher, le pied dans le seau.
Encore faut-il que l’humain soigneur ait la patience d’attendre 20 minutes à côté de lui. Encore faut-il qu’un deuxième humain soit disponible pour ramener de l’eau chaude, afin de réchauffer celle du seau, qui refroidit vite. Encore faut-il avoir le temps ou le courage de recommencer tout ça deux ou trois fois par jour.
On peut aussi se procurer une botte spéciale bain de pied. Plus pratique et moins de surveillance : le cheval ne s’en débarrasse pas si facilement.
2 – Rien d’autre sous la main ? Embobiner le pied du cheval dans une bonne épaisseur de chiffons imbibés d’eau chaude. Faire tenir tous ces chiffons en enfilant le pied dans un sac plastique (faut que le sac soit assez costaud pour tenir le coup. Réchauffer les chiffons en reversant dessus de l’eau chaude à intervalles réguliers.
3 – On a trouvé un truc vraiment pratique : les couches pour bébé !
Ça s’imbibe bien d’eau chaude. On a juste à la placer autour du pied et à coller les deux languettes étudiées pour de chaque côté.
On fourre ça dans la sandale.
Par dessus la sandale, on scotche une serviette éponge bien sèche. Ça isole, et ça garde la chaleur du pied dans la sandale. Pas besoin de réchauffer sans cesse : même 8 heures après, c’est toujours tiède. (C’est le véto de Mindszent qui nous a soufflé ce truc au creux de l’oreille)
Si on n’a pas de sandale (et même avec une sandale, d’ailleurs, à condition qu’elle soit assez large) c’est mieux d’entourer tout ça avec une bande, ou un bon carré de tissu, car la couche est relativement fragile (c’est pas fait pour porter le poids d’un équidé !) Après quoi, le sac plastique en guise de sandale. Bien scotché pour qu’il ne se barre pas. Les bandes auto-agrippantes sont idéales, bien sûr, mais ça finit par coûter un peu de sous !
Les trucs qui font mûrir
Eh bé dis donc ! On nous en a offert, des solutions !
Efficace (on a expérimenté) et coûteux : l’animalintex poultice. À condition d’en trouver. En Hongrie, pas évident du tout, surtout quand on ne traverse que des petits villages. On trempe ça dans l’eau chaude, on place ça autour du pied, on fait tenir ça avec une belle bande auto-agrippante, on fourre le tout dans la sandale. On change le pansement toute les 24 heures, jusqu’à ce que monsieur l’abcès daigne se frayer un passage vers l’extérieur. Ça peut prendre 5 ou 6 jours.
Mais qu’est-ce qu’il y a donc là-dedans ? Du tragacanthe, qui ne sert qu’à absorber l’eau, et du bore, le produit actif. Conclusion : et si on préparait l’eau de bore (tu peux trouver ça en pharmacie) pour mettre dans la couche bébé ?
On a essayé : ça fonctionne !
Après quoi, les remèdes de bonne fame.
Eh non, ce n’est pas une faute d’orthographe. Quoi ? Mais on voit toujours ça écrit « remède de bonne femme » ou remède de grand-mère, si tu préfères. Grave erreur ! À l’origine de cette expression, c’est bien de « fame », du latin « fama » qui signifie « renommée » qu’il s’agit. Et qui a donné en français « fameux », par exemple. Ou bien « mal famé », c’est à dire de mauvaise renommée. Donc un remède de bonne fame était un remède de bonne réputation. Pourquoi est-il devenu « remède de bonne femme », avec ce petit air condescendant et péjoratif ? Parce qu’il n’est pas cher, à portée de toutes les mains, et par conséquent contraire aux intérêts des grands laboratoires pharmaceutiques ?
Oh ! La Anne ! Arrête de faire ta vilaine et d’insinuer de ces choses...
Bref, j’en reviens à tous ces remèdes de bonne fame. En tout cas, leur réputation, c’est sûr, est bonne, vu le nombre de personnes qui nous les conseillent. Leur efficacité ?
Alors, il y a, en tête de liste : l’oignon.
Puis la pomme de terre râpée, la tomate, le poireau.
Tu peux toujours essayer, ça ne coûte rien.
Post scriptum
Après la parution ce ce petit topo, de nombreux lecteurs m’ont envoyé l’info suivante : un truc super efficace pour faire mûrir un abcès, c’est les graines de lin. On a pas eu l’occasion d’essayer, et tant mieux, puisque Noé ne nous a plus fait le coup de l’abcès depuis un bon petit bout de temps. (On touche du bois) Mais compte tenu du nombre important de personnes qui ont eu l’occasion d’expérimenter la recette et qui l’ont trouvée très efficace, on va la rajouter ici, au cas où ça pourrait servir à quelqu’un.
Recette :
Mettre une tasse de graines de lin crues dans une casserole.
Couvrir les graines avec de l’eau.
Faire bouillir en touillant jusqu’à ce que les graines éclatent. Elles doivent libèrer leur toxicité, qui disparaîtra à la chaleur. On doit obtenir une pâte gluante et épaisse.
Poser le cataplasme sur une couche bébé.
Appliquer sous le sabot et emballer le pied dans la couche. On peut ajouter une deuxième couche croisée sur la première pour éviter que les graines de lin ne se sauvent.
Embobiner avec du scotch solide ou une bande auto-agrippante ou le truc du sac plastique ou une sandale si on en a une.
Renouveler tous les jours jusqu’à ce que l’abcès sorte.
Avec cette méthode ça met paraît-il très peu de temps à percer. Outre le fait qu’elle aide l’abcès à mûrir, la graine de lin ramollit la corne, ce qui permet au pus de trouver une sortie à travers la boîte cornée.