Baden-Würtemberg :
Dernières étapes danubiennes
2 Juillet : Ay a.d. Iller – Berg 26,5 km
Pluie incessante tout le long du trajet.
Un éleveur de vaches fort sympathique nous propose un pré en bordure de rivière. On y descend par un chemin cahoteux, ravis de l’aubaine. Pas pour longtemps ! À peine ai-je arrêté les juments qu’une nuée de moustiques nous assaille. J’te jure qu’il y en a des milliards !!!!! En moins de dix secondes, les juments sont noires. Et nous, les humains, nous voici brusquement atteints de la danse de Saint-Guy. Tant pis pour le petit paradis. On renonce ! On continue notre route (grimpante) jusqu’à Berg (qui signifie « montagne ») Ouais, bon, c’est pas les Alpes, quand même.
Un lotissement tout neuf, des maisons encore en construction, des terrains à lotir en friche. C’est là qu’on va trouver notre bonheur.
On dégarnit les juments sous la pluie battante.
On monte la clôture sous la pluie battante.
On dégouline.
Enfin ! Nous voici bien à l’abri à l’intérieur de notre douillet cocon, avec des vêtements secs, devant un casse-croûte fort mérité. Et coucou ! Devine qui arrive ? Le soleil !!!
3 Juillet : Berg – Unlingen 29 km
Notre super réchaud multi-carburant a rendu l’âme. On ne peut pas allumer un feu de bois dans ce quartier-ci. Donc : petit déjeuner froid. Comme la température reste assez fraîche (15°) ça ne nous fait pas trop plaisir.
Passé Ulm, retour à la véloroute. Oh ! Le Danube est devenu tout maigrichon ! À peine plus large que l’Indre à Châteauroux. Fini les péniches et les beaux navires « croisière sur le Danube ».
On a vraiment pris de mauvaises habitudes, ces temps derniers. Encore une erreur de navigation. Qui coûte cette fois aux pauvres juments une côte très raide grimpée pour des prunes. Il faut la redescendre.
Un peu plus loin : bébé passage à niveau, spécial voie cyclable.
Encore un peu plus loin : déviation pour travaux. Renseignements pris, elle ne nous concernera pas. Ouf !
La route a été assez rude : la vallée du Danube s’est rétrécie comme peau de chagrin, Du coup, ça monte et ça descend. Pas infaisable, mais sportif quand même. Même pour la Anne, c’est crevant. Figure-toi que pour encourager les louloutes à arriver en haut de la côte sans fléchir, je leur chante « Santiano » à pleins poumons ! Quand on était en Slovénie (là-bas, c’était vraiment quelque chose, les montées duraient sur des kilomètres et des kilomètres) j’ai essayé tout un tas de chansons de mon répertoire. Y’a pas photo, c’est « Santiano » qui fonctionne le mieux ! Alors va pour « Santiano ».
À Unlingen, on frappe à la porte de la première maison du village pour mendier l’autorisation de passer une nuit dans ce joli pré là. C’est oui. Mais… la prairie a été engraissée au lisier voici quelques jours. Pour nos narines, ça n’a déjà plus d ’odeur, mais pour leurs fins naseaux ? Ça ne va peut-être pas être du goût de nos princesses.
Tu parles ! Elles se jettent là-dessus comme si ça avait été arrosé de mélasse.
Le déjeuner, lui, ne sera pas froid. On déniche un resto à quelques pas d’ici. Il est déjà 14h30, mais on nous sert quand même. Ah ! Ça fait du bien…
4 Juillet : Unlingen – Hundersingen 20 km
La route était toute plate. Hormis quelques difficultés de navigation (travaux, route prévue bloquée, et cette scrogneugneu de carte) ça aurait dû aller comme sur des roulettes… de roulotte.
Sauf que :
une pincée de mal de tête + trois cuillerées de fatigue + une tasse de barres de titane qui titillent + une pleine gamelle de moustiques + une armée entière de taons = la Anne qui craque !
Nerfs en pelote = énervement inutile, qui se transmet aux louloutes, bien évidemment.
Crise de larmes = … ah tiens ? Ça soulage et ça calme, tout compte fait.
Le Danube se rétrécit de plus en plus.
On nous avait prévenus qu’on trouverait une barrière.
Quelqu’un d’autre nous a précisé qu’elle devrait se déboulonner facilement.
On a donc tenté le coup. Cette barrière se trouve juste avant le village où on avait prévu de faire étape, après une douzaine de kilomètres seulement, compte tenu de mon état de fatigue.
Oui, oui, elle se déboulonne. On a bien fait de risquer.
Elle se déboulonne, oui-da. Mais pour la remettre en place, c’est une autre paire de manches ! Les pieds étaient sous tension, et Oswald, après en avoir replacé un, ne parvient pas renfiler l’autre dans son trou ! Il laisse le truc en équilibre instable et me demande de filer au plus vite. Du coup, on n’ose pas demander d’hébergement au village, quelques dizaines de mètres plus loin.
On continue donc.
Les moustiques et les taons harcèlent Océane et Noé, qui secouent la tête, tapent des pieds, fouettent de la queue.
On se retrouve sur une portion de véloroute non goudronnée, non prévue pour aujourd’hui, et pleine de petits gravillons bien faits pour s’incruster sous les sabots. Il faut s’arrêter pour mettre les chaussures.
D’habitude, quand on est obligé d’enfiler les clogs en cours de route, on ne dételle pas. Oswald tient les juments pendant que je chausse. Aujourd’hui, ce serait trop dangereux : nos princesses gesticulent sans cesse pour se débarrasser des insectes importuns. Pas envie de me prendre un coup de pied. On dételle. On attache les juments à un poteau de signalisation. Elles gigotent toujours, bien sûr, mais j’ai de la place pour m’écarter promptement. (Quand elles sont attelées, chausser les pieds extérieurs, c’est facile. Mais pour ceux qui se trouvent côté timon, c’est déjà plus corsé !)
Ça s’avère compliqué, pas tellement parce qu’Océane et Noé bougent beaucoup, mais surtout à cause de mon dos qui cafouille. Enfin, j’y arrive quand même. Et sans incident. On ré-attelle. Finalement, ça nous aura coûté une bonne demi-heure, tout ce tralala.
En principe, j’aime bien les chemins non asphaltés, mais celui-ci est un peu monotone.
Tout de même… joli village, perché sur une colline, à tribord. Avec sa fière église.
Est-ce qu’on va enfin trouver un endroit où s’arrêter ? Je n’en peux plus, malgré le fait qu’Oswald m’ait relayé aux guides.
On le découvre au bord du Danube, juste avant le pont d’Huntersingen.
Obligés de déguiser nos joyaux. Efficaces, les couvertures anti-insectes. Aussitôt qu’elles les ont sur le dos, Océane et Noé cessent de gesticuler. Elles broutent calmement. Quand à moi : après avoir mâchouillé une tartine de beurre, c’est au lit, dodo.
À l’heure où je t’écris, après cette bonne petite sieste, ça va déjà beaucoup mieux !
5 Juillet : Hundersingen – Sigmaringendorf 16 km
Très jolie étape. Traversée du Danube. Deux fois : on passe de la rive Sud à la rive Nord, pour retourner ensuite rive Sud.
Une bonne partie du chemin sur piste non asphaltée, le long du Danube, sous une magnifique forêt de hêtres.
Cascade dans un abreuvoir !
Oswald en profite pour remplir le bidon vaisselle-toilette.
Scheer : on s’arrête acheter du pain. Oswald s’informe de la faisabilité de la véloroute. Sortie du village : un pont où on ne passera pas. Les clients de la boulangerie se concertent. Quelle sera pour nous la meilleure solution ? Passer au-dessus de la voie ferrée, et non au-dessous.
« Suivez-moi ! » C’est un homme avec une belle Audi gris métallisé. On suit. Aïe ! Aïe ! Aïe ! Il ne se rend pas compte, le gars, là ! On se retrouve au bas d’une côte qui grimpe à 15 % sur environ 100 mètres. Notre Noé est équipée de ses Old Macs, mais quand même... On se lance ? On se lance ! J’encourage de la voix. Ça tire ! Ça ralentit, ça ralentit… Ça va caler ? « Allez ! Allez ! Allez ! » On y est !!!! Bravo les filles !!!! On s’arrête un petit moment pour reprendre souffle. La descente de l’autre côté – même pourcentage, mais c’est plus facile… tant que les freins ne lâchent pas !
À Sigmaringendorf, un emplacement de rêve. Pente douce vers le Danube, qui servira d’abreuvoir.
Idéal pour le nettoyage des chaussures et des harnais. Avantage du biotane par rapport au cuir : on trempe dans la rivière et c’est propre. Travail d’entretien réduit !
De l’herbe en abondance pour les juments, juste au bord du fleuve.
Et Kaplumbağa stationnée pile-poil devant le panneau « interdit aux chevaux » !
6 Juillet : Sigmaringendorf – Käppeler Hof (Thiergarten) 19 km
De Sigmaringendorf à Sigmaringen, très belle voie cyclable, forestière, aquatique et bucolique.
Traverser Sigmaringen, une autre paire de manches. On a d’abord songé à suivre la véloroute jusqu’au point où (sur notre « super » carte) elle se colle à la route de la vallée du Danube, que nous allons suivre désormais jusqu’à notre adieu au fleuve. Mais voilà…
Ça passe ? Ça passe pas ? Si ça passe, c’est ric-rac. Une seule expérience nous a suffit. On ne prendra pas le risque. Demi-tour dans un mouchoir de poche. Réussi !
Bon, c’est pas grave, on va circuler dans les rues de la ville.
Travaux ! Déviation ! Encore ? Mais ça travaille partout dans ce pays-ci ! Nous voilà perdus. Je stresse. Je hais les villes ! Feu rouge. On s’arrête. Un cycliste nous hèle : « vous allez où ? » Après notre réponse : « Suivez-moi ! »
Ouf ! Nous voilà sauvés une fois de plus.
Ensuite, ce n’est que pur régal.
Presque aucune circulation. La route est trop tortueuse pour les automobilistes pressés.
Je suis toujours fascinée par la capacité des arbres à pousser dans les rochers.
Succession de mignons petits tunnels.
Noé et Océane ont profité d’une petite pause pour arracher de grosses touffes de verdure. On est reparti avant qu’elles n’aient fini de mâchouiller.
De plus en plus maigrichon, le Danube !
Maison à colombages…
À Thiergarten, où l’on mendie un emplacement, on nous renvoie de l’autre côté du Danube. Tout petit pont à traverser, et nous voici dans le hameau nommé Käppeler Hof.
Gîte spécialement destiné aux cavaliers randonneurs. Restaurant. Tout ce qu’il nous faut pour une journée de repos.
Emmitouflées dans leurs manteaux anti-taons, voici nos princesses dans un cadre digne de leur rang.
Et notre Kaplumbağa dans un décor enchanteur…
Au restaurant, la truite est sublime. (Truite fraîche du Danube)
7 Juillet
On savoure le charme des lieux. Thiergarten signifie « le jardin des animaux ».
Les seigneurs d’autrefois aimaient avoir un jardin où, pour le plaisir des yeux, paissaient des cervidés. La tradition est ici respectée : des daims familiers flânent dans le parc. Heu… Ce n’est pas seulement pour le plaisir des yeux. La bouche y est aussi pour quelque chose. En hiver, le restaurant sert du rôti de daim à sa table !
Dans le même ordre d’idée, voici Martin et Martina. Leur prénom n’est pas choisi au hasard. La tradition, en Allemagne, veut que l’on mange de l’oie... le jour de la Saint-Martin !
Les quatre chevaux du gîte, hébergés dans de très belles écuries,
sont presque exclusivement bichonnés par des cavalières (ici, on n’atteint même pas les 5 % de cavaliers. Ça friserait même le 0 %, d’après ce que l’on nous en a dit.) Et même par de très jeunes demoiselles. La preuve :
Profitons de cette superbe journée très ensoleillée et pas trop caniculaire pour nous balader aux alentours. Spectaculaire !
Il y a 140 millions d’années, une mer chaude et peu profonde recouvrait la région, avec ses éponges, ses coquillages, bref, toute une faune maritime.
Puis la terre, bien vivante et remuante, s’est soulevée.
Tout là-haut, là-haut est né un proto-Danube qui s’est mis à creuser son lit. Il y a de cela 10 millions d’années. À force de couler et de se tortiller, il a façonné et lissé ces admirables rochers.
Aujourd’hui, ses petites plages de galets servent à rafraîchir les idées de certains touristes quand elles deviennent trop bouillonnantes. Pour rafraîchir, ça rafraîchit ! Brrrrr… Pas chaude, la flotte qui arrive tout droit de la montagne !
Retour au hameau. Pignon de maison en escaliers, typique de la région.
Visite de la petite église romane du XIIIème siècle, intérieur baroque, restaurée en 1989.
Le bénitier est à robinet.
Attenant à l’église, un minuscule cimetière, avec ses tombes-jardins. Fi des marbres austères !
8 Juillet : Thiergarten – Fridingen 25 km
Étape bien pénible ! Et pourtant fort belle. Mais on a du mal à en profiter. La route traverse des forêts superbes, mais… envahies par les taons qui tournent par centaines autour des pauvres juments. (Et autour de nous par la même occasion.Plusieurs piqûres sur notre tendre peau.) ce sera ainsi tout le long, le long, tout le long du chemin. Le pschitttt aux huiles essentielles n’est efficace que peu de temps. Impossible de s’arrêter tous les deux kilomètres pour bombarder, et d’ailleurs, on n’en aurait jamais assez. Même si on trotte et que les bestioles ne parviennent pas, ou peu, à se poser pour piquer, elles tournent et bzillent, partout, partout, autour de la tête, du ventre, des jambes, de la croupe… On a droit à plusieurs ruades magistrales, aux queues fouettantes qui se coincent dans les guides, aux coups de têtes intempestifs.
On a droit aussi à une belle montée ininterrompue sur trois kilomètres. On s’arrête deux fois en cours de montée pour laisser souffler. Alors là, c’est l’attaque en règle ! Océane et Noé deviennent à moitié folles. Oswald descend, cueille une branche feuillue, et l’agite sans cesse autour des têtes de nos louloutes. Ce qui n’empêche nullement les taons de piquer la croupe, le ventre, les jambes. Finalement, c’est quand même mieux d’abréger les pauses.
À Fridingen, on s’arrête en ville, sur la place de la caserne des pompiers.
Il y a moins de taons qu’en forêt, mais il y en a encore quand même. Le dégarnissage est malaisé : gare aux coups de pieds !
Vite, vite, les couvertures et les masques ! Aussitôt qu’ils sont posés, les juments se calment, et je peux les déchausser à peu près tranquillement.
Les voici au bord du Danube, auprès d’un très joli pont couvert, réservé aux cyclistes et aux piétons.
Derrière Kaplumbağa, un énorme frigo ronronne en permanence. Il est rempli de boissons pour la grande fête qui aura lieu demain sur cette place-même. Oswald a droit à un petit avant-goût : une bière toute fraîche, gracieusement offerte.
Mais demain matin il faudra partir de bonne heure pour laisser place aux préparatifs...
Le village lui-même est charmant, avec ses maisons à colombage,
dont certaines très anciennes.
Presque toutes sont équipées de la corde et des poulies à sécher le linge.
9 Juillet : Fridingen – Immendingen 30,5 km
À vol d’oiseau, c’est beaucoup moins que ça ! Mais c’est qu’il se tortille, le Danube ! Et par voie de conséquence, la route qui le suit se tortille aussi. Ce qui rallonge fameusement la sauce.
Voici une source charmante, qui va nous permettre de regonfler notre provision d’eau potable. Original, le captage en bouteille plastique, qui permet de remplir facilement la nôtre, de bouteille.
Elle n’est pas seulement charmante, cette source. Elle est sacrée, aussi. « Heilig Brünneli » : Sainte Petite Fontaine, est-il écrit sous la vierge à l’enfant.
Arrivés à Tuttlingen, on se gratte la tête. À moins d’une longue déviation bien bonne pour les voitures, la route est fermée pour cause de travaux. (Encore !!! Qu’est-ce qu’ils travaillent, ces Souabes ! D’ailleurs, la région attire pas mal de travailleurs immigrés. Il n’y a pratiquement pas de chômage. Dans chaque bourg, on trouve des petites entreprises qui emploient 10 ou 20 salariés. On voit même parfois des panneaux : « Ici, on embauche ») Et la véloroute est barricadée de partout, pour cause que demain, y’a une grande fête !
On s’arrête pour regarder la carte, qui ne nous est pas vraiment d’un grand secours. Un commerçant qui a dû deviner notre perplexité sort de son magasin. « Je vais vous précéder avec ma voiture... » Il nous emmène… jusqu’à la véloroute barrée. Il nous ouvre la barrière. « Dans quelques kilomètres, vous trouverez une étape. Un resto-camping pour cyclistes. Chez Nina, ça s’appelle. »
Quand on arrive sur les lieux, il nous y avait précédés en faisant le tour par la route avec sa voiture. Il avait déjà prévenu le patronne du resto et tout organisé pour nous : l’emplacement de la roulotte
et celui des juments !
Le restaurant offre dix menus pour gens « normaux » (je sous-entends par là « carnivores »), dix menus végétariens, et carrément dix menus vegan.
Le tofu avec tomates grillées et oignons est un véritable délice.
Oswald se contentera d’une vulgaire tranche de parc aux champignons, noyée dans une sauce bien crèmeuse.
Vacances, vacances : impressionnant le nombre de familles qui voyagent à bicyclette. Même avec de tout jeunes enfants. On met bébé dans la remorque, grand-bébé sur un siège devant ou derrière Papa ou Maman. Les bouts-de-chou un peu plus âgés, à partir de 4 ou 5 ans, pédalent sur leur propre petit vélo. Tout le monde est casqué. Donc les haltes sont équipées d’aires de jeux. Ici, un superbe navire pour jeunes acrobates.
Notre promenade vespérale nous entraîne vers une fameuse découverte. On ne savait ni l’un ni l’autre. Durant la belle saison, pour une durée d’environ 155 jours par an, le Danube ne se jette pas dans la Mer Noire, mais… dans le Rhin !!! Direction la Mer du Nord. Non, non, c’est pas des blagues. Tu liras l’explication détaillée dans la rubrique « quelques remarques ». En tout cas, on voit ici, de nos propres yeux, la disparition du fleuve.
Le sentier est très joli, on se promène le long du Danube, dont le lit est bien plein d’eau.
On continue à marcher, et pffffttt ! Plus de Danube ! Il a disparu.
Sur les dernières centaines de mètres, on voyait bien des petits contre-courants lutter contre le courant. Et même, carrément, on a vu le Danube remonter à contre-sens dans l’un de ses bras ! Ça fait une bizarre impression.
Oswald n’a pas peur de chevaucher un dragon,
Tandis que je me repose un instant sur un arbre.
Durant notre retour, le soleil se couche,
dessinant dans l’eau des reflets magiques.
Quelques remarques
De très nombreux villages, possèdent leur propre brasserie, et les bistros servent la bière locale, qu’on trouve aussi dans les magasins du coin. Certaines annoncent fièrement : « depuis 1367 » « depuis 1428 », etc...
Du coup, Oswald, amateur de bière, apprécie la variété des goûts. Certaines sont vraiment bonnes, dit-il.
On a déjà parlé des très nombreux panneaux solaires sur les toits des maisons. Un certain nombre de villages possèdent aussi leur éolienne solitaire, afin de pourvoir à leur énergie. Comme les câbles passent sous terre, le paysage, s’il y gagne une éolienne, y perd tous ces affreux pylônes et câbles qui rayent le ciel.
Chez les Humains, tout est sujet à discorde. Même les rivières, qui doivent bien s’en moquer pas mal. On se chamaille ferme, en tout cas, en ce qui concerne les sources du Danube. Qui ne prend en réalité son nom qu’à la confluence de deux petites rivières, la Breg et la Brigach. Au fait, en allemand, le Danube est féminin : « die Donau », LA Danube.
Furtwangen en Forêt-Noire est la première commune a se vouloir être le berceau du Danube. C’est à proximité, au lieu-dit Martinskapelle que la Breg prend sa source, à 1078 mètres d’altitude.
« Ici naît le bras principal du Danube », dit la plaque apposée près de la source de la Breg, très poétiquement aménagée.
Mais la princière Donaueschingen, à quelques 48,5 km en aval revendique aussi le lieu de naissance du fleuve. Évidemment, quand on est aristocrate et propriétaire d’un château, ça fait chic de prétendre que le Danube prend naissance chez soi. On se sent même le droit de faire bâtir, autour de la résurgence qui a l’insigne honneur de glouglouter en ces lieux, une immortelle œuvre d’art :
On dirige l’eau de cette fontaine vers une autre œuvre d’art, pour l’envoyer couler dans la Brigach, un tout petit peu en amont du confluent.
Bien entendu, ces revendications ont donné lieu à un procès. Bien entendu, les juges ont donné raison au Grand Seigneur. Officiellement, donc, la source du Danube, c’est ici, à Donaueschingen, et pas ailleurs.
Mais au fait, pour quelle raison vouloir à tout prix que le Danube n’ait qu’une seule et unique source ? D’autant plus qu’il ne prend son nom qu’au confluent des deux petites rivières.
Bout rimé pour les écoliers Allemands :
« Brigach und Breg
bringen die Donau zu Weg »
(La Brigach et la Breg mettent le Danube en chemin).
Ben nous, on ne les verra même pas, ces fameuses sources : on quittera le Danube une vingtaine de kilomètres avant Donaueschingen, pour rejoindre le Rhin. Donc toutes les photos ci-dessus, je les ai chipées.
Mais attend, attend, c’est pas fini ! Notre étape d’Immeningen nous en apprend une bien bonne ! Ici, pendant plus de 150 jours par an, le Danube disparaît.
Que devient-il donc ? Quand son débit devient moins important, des grottes souterraines engloutissent toutes ses eaux !
Voilà notre Danube qui se promène sous terre pendant une douzaine de kilomètres. Lorsqu’il ressurgit, il ne s’appelle plus Danube, mais Aach. Et la « source », de cette Aach, résurgence du Danube, donc, se prénomme « Aachtopf », c’est à dire « marmite de l’Aach » (Photo chipée. On n’a pas été voir !)
En hiver, il y a tellement d’eau dans le Danube qu’une partie de ces eaux alimentent l’Aach (qui va se jeter dans le lac de Constance), tandis qu’une autre partie continue son chemin dans le lit du fleuve pour aboutir à la Mer Noire. Mais alors, m’objecteras-tu, d’où proviennent donc les eaux du grand beau Danube, que vous avez si bien longé depuis des semaines et des semaines ? Devine ! De ses deux prochains affluents : le Kräenbach et l’Elta.
Conclusion, en été, les sources du Danube ne sont ni la Breg ni la Brigach, qui s’en vont joyeusement vers le Rhin, mais bel et bien les sources du Kräenbach et de l’Elta !
Les « sources » seraient donc une invention des humains, qui veulent toujours tout classer dans des tiroirs bien organisés ? Dame Nature s’en fiche pas mal, elle !
Pour dire la vérité, de nos jours, il y a quand même, en été, un peu d’eau danubienne qui rejoint le Danube – celui que nous avons longé. Car les villes asséchées l’été par le phénomène étaient bien enquiquinées ! Comment, sans eau, faire tourner tanneries et moulins ? Il a été question de bétonner le lit du Danube pour qu’il ne puisse plus s’infiltrer sous le sol. Mais là, protestations virulentes des habitants riverains de l’Aach !!! Qui n’avaient nulle envie de voir disparaître LEUR rivière. Je te passe les détails de la guéguerre, d’autant plus virulente que la chose se situe sur l’ancienne frontière qui séparait les Souabes des Allemands. Pas trop copains entre eux. Pour finir, on a opté pour la construction d’un canal qui capte les eaux du Danube en amont du lieu de leur disparition estivale, et les emmène jusqu’à l’aval.
Anne, le 10 Juillet 2016