Bavière
chapitre deuxième
22 Juin : Niederwöhr – Zuchering 26 km + 3,5 km gourage = 29,5 km
Pas sublime, le paysage, ce matin. On évite Ingoldstadt par le Sud, mais n’empêche : on navigue dans sa proche banlieue. Usines, raffineries, gros pylônes…
Des champs, toujours des champs… On n’a plus droit au houblon ni aux asperges. C’est plutôt céréales, colza, betteraves. Oh ! Un champ de fraises ! Les cueilleuses et les cueilleurs sont en plein boulot. L’incontournable petite baraque de vente sur le bord de la route est bien présente. Je n’ai même pas le temps de dire à Oswald : « on s’arrête ? » que la vendeuse a déjà traversé la route, une barquette à la main, pour nous l’offrir ! Miam !
Notre carte « véloroute » est bourrée d’erreurs, d’incorrections, de tracés bizarres. Ce n’est pas la première fois qu’elle nous joue un sale tour, mais cette fois, elle exagère : 3,5 km de rabiot ! On a bien hésité un peu à l’endroit litigieux, là où il y avait un panneau indiquant « Zuchering » qui ne correspondait pas du tout au tracé de notre carte. On a choisi de suivre la carte au lieu d’écouter le panneau (on avait peur qu’il ne nous entraîne sur la nationale, ce panneau). Au bout d’un certain temps, on a eu des doutes. Puis une certitude. On s’était bel et bien gouré. Demi-tour.
À la sortie de Zuchering, au bord de la voie cyclable, de l’herbe ! Mais pas d’eau. Il va falloir la mendier dans les maisons d’en face.
23 Juin : Zuchering – Untermaxfeld 19 km (y compris le « pour des prunes »)
Jarnicoton ! On ne passe pas sur ce pont ! Cette petite route était pourtant marquée « autorisée à la circulation agricole ». Demi-tour, et 4,7 km très exactement pour rien dans les pattes des juments.
Altaï découvre une fosse à purin. Il se vautre dedans avec délectation. Voici notre gros toutou une nouvelle fois déguisé en putois.
Monotonie. Route toute droite, toute plate. Chaque mètre carré est cultivé. Devant les maisons, les pelouses sont tondues razibus. Va-t-on trouver un carré d’herbe pour les juments ? On le trouve ! Derrière une petite distillerie tenue par un très chaleureux Andreas.
Le pré a été fauché voici quelques semaines, l’herbe a déjà bien repoussé, toute verte et toute tendre. Océane et Noé jouent les voraces.
Andreas nous gâte. Il déroule son long tuyau d’arrosage jusqu’au pré, pour qu’on abreuve facilement les juments. Puis il apporte un paravent, une échelle, et confectionne une douche de luxe tout exprès pour nous ! L’eau est froide, mais il fait tellement chaud (32° à l’ombre) qu’on apprécie.
Andreas et Stefi, son épouse, nous invitent à partager en famille (avec Sebastian, 6 ans et Verena, 2 ans) leur déjeuner : des pâtes faites maison.
Puis on visite la distillerie artisanale qui fait vivre la petite famille depuis maintenant cinq ans. Tu te souviens de la palinkeria d’Alunişu ? Quel contraste ! Ici, tout est nickel-chrome. Ou plus exactement tout cuivre, car le cuivre possède la propriété d’absorber le soufre. Ce qui donne un alcool plus doux, qui ne gratte pas la gorge.
Dans la première salle, interdiction de photographier. Tout est contrôlé par un service des douanes. Les cuves sont plombées. Quand la distillation est terminée, il faut appeler un contrôleur des douanes, qui vient desceller. Chaque millimètre cube est compté. Sur une bouteille de schnaps que tu payes 20 €, 7 € vont à l’état. Ici, une énorme cuve reçoit les pommes de terres ou les fruits frais. Elle en contient une tonne. La fermentation est obtenue en deux semaines, avec un contrôle permanent de la température. Il faut que ça reste à 20°. Si ça monte, on refroidit, si ça descend, on réchauffe. Les odeurs ne doivent pas se répandre dans la pièce, mais parfumer la future boisson.
Le distillateur de la salle d’à côté, qui a été installé selon les choix et les instructions d’Andreas, j’ai le droit de prendre une photo. Ça te permettra une comparaison avec la folklorique distillerie Roumaine.
Andreas participe à des concours internationaux de la meilleure gnôle, et gagne des prix. Ses diplômes sont affichés en face du distillateur.
Son chef-d’œuvre, la framboise, a obtenu une médaille d’or avec 98 points sur cent. Andreas nous en offre une bouteille. En échange, nous lui donnons une bouteille de pálinka roumaine (prune), et une autre de pálinka hongroise (abricot).
Framboise et noisette sont les vedettes d’Andreas. Mais il fabrique aussi de l’alcool de pomme de terre (vodka), d’asperge (parfum très caractéristique), plus les classiques prune et poire évidemment. Il possède même six ruches qui lui fournissent l’ingrédient nécessaire à l’élaboration d’une goutte au miel.
Pendant qu’Andreas nous fait les honneurs de sa petite entreprise, Stefi passe notre linge sale à la machine à laver.
Séchage sur la clôture sous un joyeux soleil d’été.
Andreas s’est présenté à l’examen du permis de chasser non pas pour chasser, il n’en a nullement l’intention, mais pour apprendre à connaître la nature et le comportement des animaux sauvages, afin de pouvoir transmettre ce savoir à ses enfants. Original, comme démarche.
Le soir, nous sommes de nouveau invités au repas. Andreas et Stefi nous comblent de petits cadeaux. Y compris un gros : un sac de 20 kg de croquettes pour Altaï !
Danke schön, Andreas und Stefi !!!
24 Juin : Untermaxfeld – Pöttmes 16 km
Aux petites aurores, le soleil jette un coup d’oeil au hublot de Kaplumbağa. Ça nous donne le portrait du Oswald en ombre chinoise.
Chaud ! Chaud ! Chaud ! On part à 7 heures, on s’arrête à 10 : déjà à 35° à l’ombre.
La route est totalement rectiligne, tracée à travers les anciens marécages de la plaine du Danube. Pour assainir et cultiver ces terres, des parcelles avaient été distribuées à des « colons », souvent des réfugiés. Ils se construisaient leur petite ferme, avec grange en bois.
Le sol est argileux en profondeur, puis tourbeux, puis le fameux « limon fertile » dont on nous parlait à l’école. La terre est très noire. Les pommes de terre y poussent à merveille. Les agriculteurs cultivent entre 20 et 50 ha. C’est surtout le maïs qui permet de mettre du beurre dans les épinards. Maïs destiné à la fabrication du biogaz. Tout le long des routes tirées au cordeau, belle aubaine, on a pu vendre un bon prix une portion en terrain à bâtir. Les maisons y sont récentes, coquettes, avec leurs jardinets très soignés. Banlieue résidentielle d’Ingolstadt et de Neubourg, qui s’étire sur des kilomètres et des kilomètres. D’un village à l’autre, les maisons succèdent aux maisons.
La mairie de Pöttmes nous donne l’autorisation de stationner sur la « place des fêtes ».
Super ! On se trouve à l’écart de la route, sur une immense place assez tranquille, avec un beau carré d’herbe bien verte pour les juments. Magasins juste en face, on va pouvoir refaire tranquillement quelques provisions.
25 Juin : Pöttmes – Meitingen 24,5 km
Décidément, nos pauv’loupiotes sont abonnées aux kilomètres supplémentaires ! Cette fois-ci, ce n’est ni une erreur de parcours, ni une barrière intempestive, mais bel et bien des travaux qui coupent la route. On s’est renseigné auprès d’une indigène avant de prendre la déviation indiquée. (Quelquefois, il y a un panneau « route barrée », mais ça passe quand même. Surtout le samedi et le dimanche quand les grosses machines ne travaillent pas.) Tout est bloqué, nous a-t-elle affirmé. Pas moyen de faire autrement que de dévier. 6,5 km de rabiot ! Pour une voiture automobile, c’est pas grand-chose, mais pour nous...
Allez, un p’tit reflet, pour le plaisir !
Le secteur est très vallonné. De la forêt, de la forêt. Ou plus exactement, des « champs d’arbres » : épicéas bien alignés comme des soldats à la revue. Allez, faut pas exagérer. Quelques feuillus aussi. Agréable, l’ombre. Quoique ce matin, ça s’est légèrement amélioré. Le thermomètre ne marque « que » 28°. Une petite brise fort agréable nous rafraîchit.
La Bavière profonde : les petits villages ne sont plus des banlieues résidentielles de villes industrielles, mais de vrais villages, plutôt paysans, avec bonne odeur de vache, de cochon, d’ensilage et de lisier. (Tiens, aujourd’hui, on n’a pas eu à subir les pestilences de pesticides.) Les jardins sont beaucoup moins soignés. Les potagers remplacent la déco kitch.
Un peu avant d’arriver à Meitingen, on retombe sur une route à circulation intense : aucun autre pont ne franchit le Lech avant pas mal de kilomètres, en amont comme en aval. Heureusement, cette fichue route est bordée par une belle voie cyclable, bien large, qui ne présente aucun obstacle. Le flot des véhicules restera donc à l’écart de Kaplumbağa. On ne récupérera la route que juste avant le pont – il faut bien le franchir. Et tout de suite après le pont, sur notre droite, une belle piste longe la rivière. J’arrête. Oswald descend et part en reconnaissance. Il revient satisfait. Un peu plus loin, une jolie petite friche en bordure de forêt, de quoi stationner le long de la piste.
et le Lech pour abreuver les juments.
Les rives sont trop abruptes pour qu’elles puissent y descendre boire.
La corvée d’eau sera assez acrobatique !
Devine quoi ? Au bord de la route, juste à l’entrée de la piste, un restaurant. Tenu par un Indien. (Un Indien de l’Inde, hein !) Savoureux et pas cher. On en a pour 14,50 € à nous deux, et je te garantis qu’on n’avait vraiment plus faim du tout en sortant ! Ce genre de truc, pour le Oswald, c’est vraiment l’étape idéale…
26 Juin : Meitingen – Welden 24 km
Décidément, la Bavière fourmille de travaux. Ce matin, c’est un pont qui est coupé. La Christine qui répond à nos questions pratique justement l’attelage ! Elle nous détourne complètement de la route que nous avions prévue. « Là où vous vouliez passer, il y a une montée vraiment très raide pour les chevaux. Ensuite, c’est bien vallonné. Suivez-moi. Je vais vous mettre sur le bon chemin. Ça vous rallongera un petit peu, mais ce sera beaucoup plus facile pour vos juments. »
Christine nous précède donc avec sa voiture pendant plusieurs kilomètres. Ici, elle s’arrête pour nous présenter ce « monument ». C’est un riche commerçant d’Augsbourg, anobli en raison de sa fortune, qui l’a fait bâtir.
Ensuite, plus besoin de guide, c’est toujours tout droit.
Danke schön, Christine !
La route est excellente, quasi déserte. Au point qu’on ne prend même pas la superbe voie cyclable qui la longe. Avec pour paysage des plantations de futurs « arbres de Mai » (Tu sauras de quoi il s’agit un peu plus loin, en lisant la rubrique « quelques remarques ».)
Aucun problème pour trouver un emplacement à Welden. La première personne interrogée nous indique le champ de foire, bordé par un ruisseau où frétillent des truites.
27 Juin : Welden – Aislingen 26 km
On a rallongé l’étape de 4 km, cette fois volontairement, pour éviter à Océane et Noé une grosse vilaine montée. On n’a pas regretté ! Toute petite route serpentant à travers les collines. Ondulations pas trop méchantes, juste de quoi entretenir les muscles. Paysage bucolique à souhait. Forêts de résineux, fermes isolées superbement entretenues, prairies. Petits champs de maïs et de triticale par-ci, par-là. Temps idéal, avec un petit vent frisquet qui émoustille nos juments.
Il faut bien finir par rejoindre la route un peu plus importante. La circulation y reste raisonnable, et d’ailleurs, on emprunte la voie cyclable qui la longe.
Ah ! L’Allemagne n’est pas encore complètement sortie du nucléaire… Nous voici tout près de Gundremmingen, où se situe la centrale nucléaire la plus performante d’Allemagne. Y-z-ont p’têt’ de la place pour nous héberger ??? Rassure-toi, on va quand même pas leur demander ça.
Des étangs, là, à tribord ! Et un joli chemin non asphalté qui semble y mener. J’arrête les juments, Oswald descend de la roulotte pour partir en exploration. Il revient satisfait : un peu plus loin, entre deux étangs, un triangle herbu. On s’installe.
En tout cas, si quelqu’un vient nous chasser, ce ne sera pas un paysan… Il semble bien que ces étangs soient d’anciennes gravières, car un peu plus loin, il y en a qui sont encore en pleine activité. On entend le bruit des machines, mais ça reste supportable.
Un type vient nous préciser assez sèchement que c’est privé, mais nous fait signe qu’on peut rester. Pas bavard, le mec. Remarque, c’était un costard-cravate. Il avait peut-être un rendez-vous urgent. Ou bien le Oswald lui a fait peur, avec sa grosse moustache et sa barbe de quatre jours ?
Vue du hublot bâbord de Kaplumbağa.
Et des Louloutes heureuses après une étape quand même assez sportive, au bout du compte.
28 Juin : Aislingen – Günzburg 16 km
Reflets dans l’étang, au lever du jour…
Un peu avant d’arriver à Günzburg, ville relativement importante, alors que les juments marchent gentiment sur la voie cyclable, une vélocipédiste nous double. Elle s’arrête bavarder un moment. Elle regarde notre carte, nous déconseille formellement de prendre la grande route. « trop de circulation ». Elle se prénomme Ulrike. « Suivez-moi ! Je vais vous montrer une route agricole toute tranquille qui vous permettra d’aller jusqu’à Kötz. À partir de là, vous rejoindrez facilement le chemin que vous aviez prévu pour contourner Ulm. »
Voici Ulrike qui nous précède, pédalant sur son vélo, à travers des ruelles quasi désertes.
Les rares personnes que nous croisons nous sourient en nous faisant signe de la main. Nous avons avons à peine effleuré Günzburg que nous en voilà déjà sortis.
Danke schön, Ulrike !
À peine quelques dizaines de mètres plus loin, nous nous arrêtons. Juste après la sortie de la ville, une jardinerie. Derrière la jardinerie, un pré bien vert. Oswald s’en va aux renseignements. C’est oui ! Le pré est bordé d’un ruisseau. La roulotte stationne derrière le magasin, bien au calme. Ah ! La Bavière… Ah ! Les Bavarois… On adore !
En suivant une belle allée de gazon, à environ cent mètres de la jardinerie, on découvre… les clients de la jardinerie.
L’équivalent de ce qu’on nomme en France les jardins ouvriers. Petites parcelles bien délimitées, grillagées, numérotées.
site des petits jardins BIRKET - association des petits jardiniers.
"Mon jardin, ma joie, ici j’oublie le temps."
Les fleurs côtoient le potager.
Pour la déco : chacun ses goûts !
Certains aiment les lignes droites. Il faut bien que les cordeaux servent à quelque chose.
D’autres préfèrent le fouillis savamment organisé.
Si y’a pas des boules, ça va pas.
Le drapeau allemand flotte partout, en ce moment. Dans les cours des maisons, sur les voitures, et même dans les petits jardins ! Football oblige…
29 Juin : Günzburg – Ay a.d. Iller 27 km
Après une douzaine de kilomètres, on s’arrête à Bibertal pour se gratter la tête. Ici, on a le choix entre deux options : la longue, à peu près plate, avec une bonne portion de route à circulation. La courte, à travers les collines (ça monte et ça descend !) par les petites routes.
La version longue est plus facile pour les juments, plus stressante pour moi. (Les voitures et les camions… les louloutes s’en fichent, mais moi pas.)
La version courte est plus sportive mais… nettement plus courte !
Allez, on choisit la courte. De toute façon, des côtes et des descentes, on en a vu d’autres et on en verra d’autres.
Chaud, quand même. Plusieurs collines à franchir. Les juments travaillent bien. Quand Noé est chaussée avec les Old Macs, elle grimpe comme un chef.
Dans une montée courte, mais très abrupte, les juments calent ! Ça, c’est pas rigolo. Quand elles gardent leur élan jusqu’en haut, même si c’est dur, ça le fait. Mais si ça cale en côte raide, pour redémarrer, c’est pas gagné. (En Slovénie, dans un cas semblable, on avait dû dételer, monter les juments à la longe, et atteler la roulotte à une voiture qui passait par là.)
Oswald descend, pose la cale derrière une roue. On laisse souffler les belles. Au bout d’un moment, je demande à Oswald de marcher devant à pied. Océane et Noé ont l’habitude de le suivre. Peut-être que ça leur donnera du courage ?
Et ça fonctionne ! La brave Noé donne l’énorme coup de collier du démarrage, s’arc-boute sur ses postérieurs, décolle la roulotte, et Océane suit, sans effort démesuré, la canaille. Je l’émoustille de la voix : « TIRE, OCÉANE !!!! » Elle se résigne à tirer. La roulotte arrive en haut. C’est pas fini. Replat, puis nouvelle côte, pas trop gentille. « Là, là, là, c’est bien les filles… C’est fini... » On s’arrête. On reprend souffle (enfin, les juments, parce que nous, on n’a pas tant peiné que ça.) Et puis c’était vraiment la dernière de la journée.
Ensuite, on cherche un lieu d’étape. On avance, on avance, et on ne trouve pas… Et nous voici devant Senden. Plus d’autre choix que de traverser la ville.
Senden sur notre gauche, Ay sur notre droite. Et côté Ay, juste avant le pont qui franchit l’Iller, affluent du Danube, le miracle. Au pied des immeubles, une belle friche municipale. On peut s’y installer, pas de problème.
C’est juste en bordure de forêt. Des multitudes de moucherons viennent chatouiller les oreilles des juments. Elles s’énervent. On sort les masques. Ça les calme aussitôt. Voilà une chose efficace. On ne regrette pas du tout cet achat-là.
En suivant un joli sentier forestier, on découvre un lac. Ce sera l’abreuvoir…
30 Juin et Premier Juillet
On ne bouge pas. Enfin, façon de parler. Le pauvre Oswald se farcit plusieurs aller-retour à Ulm en bus pour tenter de régler nos problèmes de connexion. Sans succès. Il faudra continuer à ramer… Quelqu’un finit par nous expliquer (c’est son avis que je te livre, sans responsabilité de ma part) que le développement du Wi-Fi a provoqué une levée de boucliers en Allemagne. La plupart des gens sont donc « branchés ». Les connexions Wi-Fi, elles, sont très faibles, terriblement lentes et… horriblement chères !!! Bon, alors inutile de se plaindre. C’est pour la bonne cause. Le seul truc qui nous enquiquine, c’est qu’on passe deux fois plus de temps à essayer de te donner de nos nouvelles, et que ça creuse un p’tit trou plus important que prévu dans le budget !
Pendant qu’Oswald galère, moi, je me promène. Avec Altaï, bien sûr. Je longe un canal sur lequel ronronne une micro centrale hydroélectrique.
Pour aboutir au « lac ». « Lac » qui est en réalité un bras mort de l’Iller.
Des castors y ont élu domicile. La preuve :
D’ailleurs dans le nom de pas mal de villages du coin on trouve le mot « biber » (castor).
Chaud ! 28°, raconte le thermomètre. Dans la soirée, on retourne au lac avec le maillot de bain pour se rafraîchir les idées. L’eau est froide, transparente. Un délice !
Quelques remarques
En Bavière, on ne traverse pas un seul village sans voir son arbre de Mai !
L’érection d’un « arbre de Mai », jadis répandue dans toute l’Europe occidentale, était un rite de fécondité. En Mai on célébrait la végétation, des fleurs, des sources et de l’eau.
L’Église, qui se réappropriait les fêtes païennes pour les christianiser a dû manquer d’imagination en ce qui concerne cette antique coutume :
L’Inquisition a associé la nuit du 1er mai au sabbat des sorcières.
Et au Concile de Milan de 1579 l’Église catholique a carrément proscrit cette tradition interdisant
« le premier jour de mai, fête des apôtres saint Jacques et saint Philippe, de couper les arbres avec leurs branches, de les promener dans les rues et dans les carrefours, et de les planter ensuite avec des cérémonies folles et ridicules. »
En Bavière, on s’en fichait bien pas mal, de cette interdiction, quoique la majorité de la population soit bel et bien catholique. La tradition du mât de mai est ancrée depuis longtemps. Sans doute vestige des Celtes qui ont peuplé le Sud de l’Allemagne : venant des steppes orientales, ils vénéraient la nature et célébraient le début de l’été, en érigeant un arbre autour duquel ils dansaient pour chasser les mauvais esprits.
Depuis le XVIIIème siècle, et encore plus depuis la Seconde Guerre mondiale, l’arbre de mai (Maibaum) est devenu le symbole des villes et villages de la Bavière.
On compétitionne, d’ailleurs : les villages bavarois, rivalisent d’imagination pour se doter du plus grand et plus bel arbre.
Jusqu’à ce qu’il soit érigé le mât est tenu dans un lieu secret et jalousement surveillé, jour et nuit, par les hommes de la commune, pour décourager les éventuels ravisseurs… En cas de vol, les victimes se voient dans l’obligation, pour pouvoir récupérer leur bien, de verser une rançon en nature (bière et victuailles) aux malandrins qui ont revendiqué le crime. Le pire : porter le poids de la honte !
Mais oui, ça arrive ! Il existe en Bavière des cambrioleurs spécialisés dans le vol d’arbres de Mai ! Ce qui ne représente pas d’une mince difficulté, compte tenu de la surveillance dont ils sont l’objet.
Écorcé, le tronc de l’épicéa dont on se sert pour ce mât de mai est ensuite peint en bandes blanches et bleues (les couleurs de la Bavière). Le sommet du mât est décoré d’une couronne en branches de sapin. Tout le long du mât, des figurines représentant les différents corps de métiers, comme le cordonnier, le ramoneur, le menuisier, le charpentier. Celui que j’ai photographié est plutôt agricole.
Détails...
L’arbre de l’année passée est coupé en Mars ou en Avril. Le premier Mai, planter le nouveau mât représente toute une cérémonie. C’est la fête !
Fanfares et groupes folkloriques soutiennent moralement les hommes qui devront hisser le mât. Car c’est un véritable tour de force qui requiert puissance, savoir-faire et précision, durant près de deux heures. Tout s’accomplit à bras d’hommes et sans machinerie sous les ordres d’un chef attentif qui veille à la réussite de l’épreuve en toute sécurité.
En Allemagne, la vente des cigarettes n’est pas exclusivement réservée à une poignée de buralistes tenant dur comme fer à leurs prérogatives. Les cigarettes sont en vente au supermarché, ou bien chez n’importe quel commerçant qui souhaite en pratiquer le commerce. Mieux (ou pire ?) on trouve à tous les coins de rue des distributeurs automatiques. Pas de stress pour les fumeurs en panne le dimanche ou au beau milieu de la nuit ! Mais attention… Il y a dans ces machines-là une fente dans laquelle tu dois glisser ta carte d’identité. Ça y lit ta date de naissance. Et si tu n’as pas tes 18 ans, tu n’as pas tes clopes. (« Eh ! Psssttt ! mon pote, tu peux me prêter ta carte d’identité ? »)
Presque toutes les routes, même en pleine campagne, même les peu fréquentées, sont accompagnée d’une voie cyclable, le plus souvent tout à fait praticables pour notre roulottine. On les emprunte ou non suivant les circonstances. Avec parfois une petite surprise, comme tu as pu le constater si tu suis assidûment nos aventures. Mais dans l’ensemble, c’est plutôt pratique pour éviter d’enquiquiner les automobilistes, et pour notre propre tranquillité. En plus, sur ces voies, la signalisation est excellente. Meilleure, même, que celle des routes ordinaires !
La religion dominante en Bavière est la religion catholique, très vivante. Comme en Italie, beaucoup de maisons possèdent leur petite grotte à Marie, ou bien un grand crucifix sur le pas de la porte (la mode est au Jésus tout doré). Les petites chapelles foisonnent. On en voit partout.
L’Allemagne a décidé en 2011 de sortir progressivement du nucléaire d’ici 2022. La réduction du nucléaire sera compensée en partie par l’éolien, la biomasse et le solaire. Pour l’instant, on constate aussi un accroissement du recours au charbon et au lignite, très fortement émetteurs de gaz à effet de serre. Le gouvernement projette de réduire cette production en instaurant une taxe carbone, bien entendu vivement contestée par le lobby charbonnier.
La centrale nucléaire de Gundremmingen est la plus performante des centrales nucléaires allemandes. Elle disposait à l’origine de trois tranches nucléaires, l’une étant refroidie par le Danube et les deux autres étant aéroréfrigérés. La tranche réfrigérée par le Danube a été exploitée de 1966 à 1977, date à laquelle un accident a entraîné son arrêt définitif.
En 1975, lors d’une intervention, deux mécaniciens décèdent, brûlés par de l’eau à 260°.
Le 13 janvier 1977, le réacteur subit une défaillance entraînant sa perte irrémédiable : deux courts-circuits sur les lignes à haute tension avoisinantes le privent de sa source d’alimentation externe, déclenchant son arrêt d’urgence. Une quantité d’eau trop importante est injectée dans le cœur, et au bout de dix minutes, entre 200 et 400 mètres cubes d’eau à environ 280 °C envahissent le bâtiment réacteur, remplissant celui-ci sur une hauteur de 3 mètres. Durant les jours qui suivent, cette eau ainsi que les gaz accumulés sont rejetés dans l’environnement de façon contrôlée. Quant au réacteur, jugé irréparable (le truc grisâtre en forme d’obus, à gauche des tours réfrigérantes, sur la photo), il a été arrêté définitivement, et son démantèlement a débuté en 1983.
Compte tenu du plan « sortie du nucléaire », il est prévu d’arrêter définitivement la centrale de Gundremmingen dans trois ans.
Quand je te le disais, que les drapeaux allemands flottaient partout ! On ne risque pas de l’oublier, la coupe d’Europe de foot ! De temps en temps, rarement, on aperçoit un timide drapeau italien ou portugais. Y’a des commerçants qui doivent être contents. Est-ce que c’est la mode en France aussi ?
Le drapeau allemand est un drapeau révolutionnaire. Il représente le passé, le présent et le futur. Le passé obscurantiste : noir. Le présent, c’est la révolution nécessaire, dans le sang : rouge. Pour un avenir meilleur, l’âge d’or : jaune.
Anne, le premier Juillet 2016