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De la frontière à la Tisza... Puszta ! 10/04/2016

2 Avril

On se la coule douce sous un beau soleil. Contrôle de nos passeports, ce matin, par un jovial policier qui nous bombarde de questions et répète « super » à tout bout de champ. Il s’en va, revient 5 minutes plus tard : il voudrait être pris en photo avec nous devant la roulotte. Deux gamines qui sont venues donner des carottes aux juments sont réquisitionnées pour appuyer sur le bouton de son appareil photo.
Une adorable dame vient nous dire bonjour. Elle nous gâte : une vingtaine d’œufs de ses poules, un paquet de pâte, de la farine, du lait, du sucre, des pommes, des œufs de Pâques en chocolat. Elle reviendra l’après-midi, avec un plein sac de pommes de terre, d’oignons et d’ail (du jardin) et de la charcuterie maison !

Köszönjük !

Plus tard, c’est un peu moins agréable. Un monsieur pas très content vient nous signaler que là où on a parqué les juments, c’est son terrain à lui, bien privé. Je lui explique avec mon plus charmant sourire (j’espère) que ce sont des dames de la mairie qui nous ont installés ici, sans nous signaler de limites au terrain. On ne pouvait pas deviner… Je lui expique qu’on part demain. Je lui parle de notre voyage. Il s’apaise un peu, hausse les épaules. Il s’en va.
Ça a l’air tout simple, à raconter comme ça, mais ça ne l’était pas ! Ça se passait tout en hongrois. Et mon hongrois…
On profite de la pause pour parer les pieds de Noé.
L’équipe de gosses qui nous avait rendu visite hier revient aujourd’hui. Ils sont vraiment charmants. Ils s’efforcent de ressortir le peu d’anglais qu’ils apprennent à l’école (ça va peut-être les motiver pour progresser !) Pour le reste, on se dépatouille comme on peut avec le dictionnaire Hongrois-Français. On rigole beaucoup, en tout cas.

Deux d’entre eux font un petit tour sur le dos d’Océane, à cru bien entendu puisqu’on n’a pas trimballé de selle.

C’est le printemps ! Les louloutes perdent tous leurs poils d’hiver.

Ça veut dire que tu peux bien imaginer l’état des pantalons. La maman va être contente.

La maman ? Elle est enchantée que nous ayons si bien accueilli ses deux filles. Elle vient nous voir, et le papa aussi, d’ailleurs, les bras chargés de cadeaux ! Gras de cochon, ciboule du jardin, bocaux faits maison de cornichon, piment, prunes et cerises.

Ici, c’est je crois l’endroit où nous sommes le plus gâtés depuis notre départ ! Deux messieurs nous apportent du vin (fait maison). Notre accompagnatrice anglophone d’hier nous offre un tapis confectionné main elle-même.

3 Avril : Nagykereki – Hosszúpályi Messzelátó-Sóstó 20 km

...Et c’était pas fini, les petits cadeaux. On est en train de se préparer, quand une femme qu’on n’avait pas encore vue nous apporte une dizaine d’œufs (décidément : on va pouvoir manger de l’omelette et faire des crêpes) et un bocal de poivrons.
On attelle, on s’apprête à partir, quand un type m’interpelle. Il me tend un paquet en papier d’alu. Oh ! Des petits beignets ronds et croustillants, encore tout chauds ! Ce sera pour la route…
Merci à vous tous, habitants de Nagykereki ! On n’est pas prêts de vous oublier !

Petite étape tranquille et sans histoire, sur une route quasi déserte, sous un ciel tout bleu. Ce matin, il y avait un friselis de glace dans la gamelle du chien. À notre arrivée, vers midi, le thermomètre marque +25° à l’ombre.
Arrêt près d’un ancien « château » tout délabré. (C’est comme ça qu’ils appellent cette bâtisse, par ici)

L’herbe est bien verte. Un point d’eau à proximité. Hameau de quelques maisons un peu plus loin. C’est assez isolé, on devrait pouvoir se reposer. Inconvénient : la proximité de la voie ferrée. Les trains sont bruyants, mais environ un toutes les deux heures, on peut supporter. On a aussi le voisinage d’une bande de pintades pas particulièrement discrètes.
Le soir, c’est crapauds, grenouilles… et rossignol !

Séance relaxation. Il est rarissime que Noé se couche. Pour Océane, par contre, c’est une habitude quotidienne : de tout son long, tête au sol, totalement immobile, au point qu’on la croirait morte. Elle fait entièrement confiance à sa frangine pour donner l’alerte, au cas où un puma rôderait dans les parages.

4 Avril : Hosszúpályi Messzelátó-Sóstó – Derecske 15 km

Toujours la même petite route sans circulation, et les premiers vrais paysages de Puszta, avec des zones classées Natura 2000. Enfin… quelques oasis de Puszta parmi les grands champs cultivés.

Concentrée, la Anne, attention !

Le petit mot magique de Bo fait toujours merveille. Dès notre arrivée à Dereccske, on le fait lire à un homme qui s’apprêtait à rentrer dans un bistro. Le monsieur en question est paysan, il a des vaches, donc des prés. Il nous invite aussitôt à nous installer chez lui. Hum ! Un peut chaotique et cahoteux, le chemin ! Mais ça passe. Océane à gauche de l’ornière, Noé à droite. Elles sont géniales, les louloutes !

On peut s’installer tranquillement.

L’eau étant un peu loin du pré, on décide d’emmener les juments à l’abreuvoir plutôt que de transbahuter les seaux. Mais l’abreuvoir se trouve près de l’étables aux vaches. Et les vaches de ce paysan-là ont droit… à de la musique d’opéra. Noé s’en fiche et plonge les naseaux dans l’eau aussitôt. Mais Océane se fige, lève très haut la tête, oreilles pointées en direction du haut-parleur. Elle tremble de tout son corps. C’est parce qu’elle apprécie au-delà de toute mesure ? Ou c’est parce qu’elle déteste cordialement ? En tout cas, elle refuse absolument de boire. Tant pis pour elle. On reviendra plus tard. Quand elle aura vraiment soif, elle boira.

Gros inconvénient du lieu : d’un côté, la ferme, de l’autre côté, une usine. Ça a quelque chose à voir avec les pneus. Je n’ai pas trop compris ce qu’ils font avec ces pauvres pneus, mais en tout cas, ça pue abominablement. Odeurs infâmes de caoutchouc brûlé. Sans compter un vacarme incessant. Pauvres de nous ! Malgré le temps superbe, on se calfeutre à l’intérieur de Kaplumbağa pour manger. On se console en voyant les juments se régaler d’herbe tendre. Elles ne donnent pas l’impression d’être trop incommodées par la puanteur.
Ici, notre boulette Internet roumaine ne fonctionne plus. On est trop loin de la frontière. Oswald va à pied jusqu’au bourg, pour retirer des Forint (monnaie hongroise) et changer la carte SIM. Il revient bredouille. Pas pour les sous : y’avait une banque. Mais en ce qui concerne la connexion Internet : Il n’y a pas de boutique Télékom dans ce village-ci. Tant pis pour nos Fesseboucphiles. Ils n’auront pas leur photo quotidienne aujourd’hui.
Ouf ! L’usine ferme à 16 heures. L’air redevient à peu près respirable.
Le soir, Sándor, notre hôte, nous apporte… des saucisses ! Ça fait un peu beaucoup de charcuterie qu’on nous offre, ces temps-ci ! Mais c’est de si bon cœur. Comment refuser ?

Köszönjük, Sándor !

5 Avril : Derecske – Hajduszoboszló 17 km

Un peu plus de circulation, aujourd’hui, mais ça reste acceptable. Toujours un superbe soleil printanier. Des fleurs partout. Des kilomètres de haies de prunelliers toutes blanches. Les fruitiers fleurissent, les abeilles bourdonnent.
Et les tiques pullulent. Chaque matin, on leur fait la chasse dans l’épaisse crinière des juments.

On en assassine entre 10 et 30 par jour. Pas toujours facile de les voir, on en oublie. On les découvre le lendemain, ou le surlendemain, gorgées de sang, et plus faciles à repérer, donc. On dépose pourtant sur les crins des gouttes d’huiles essentielles sensées être répulsives. Au début, on avait l’impression que ça fonctionnait plus ou moins, mais désormais, ces sacrés bestioles semblent s’en moquer éperdument. (Ou peut-être que si on ne mettait pas de HE ce serait une centaine qu’on trouverait chaque matin ???) On fait des essais, avec les huiles qu’on a. Y’en a p’têt’ une qui sera plus efficace que les autres. On nous a dit que le ciste n’a pas son pareil contre les tiques, mais du ciste on n’en a pas, et va trouver ça dans une pharmacie de village en Hongrie !

Puszta : les cultures céréalière alternent de plus en plus souvent avec les roseaux. Que l’on coupe pour la fabrication de ganivelles.

Pour nos lecteurs de langue d’Oïl, je précise qu’en langue d’Oc, les ganivelles sont ces légers coupe-vent ou coupe-vue en roseau qu’on trouve dans toutes les jardineries sous je ne sais même pas quel nom…
Tu connais l’expression « ça c’est de la ganivelle de foire » pour qualifier quelque chose de peu solide et de piètre qualité ?
Si tu savais déjà ce que c’est qu’une ganivelle, si même ça te paraît évident, ben ça l’est pas pour tout le monde, figure-toi ! Et si je précise, c’est parce que ce mot-là ne figure même pas dans le Larousse ! C’est une honte. Un si joli mot ! Bon, c’est vrai que si tu me lis, c’est que tu tiens un ordinateur entre les pattes. Tu peux toujours t’engoogliser, si y’a un mot que tu ne connais pas.

Il faut absolument qu’on trouve un emplacement à Hajduszoboszló pour régler cette histoire d’Internet. C’est une ville un peu importante. On va peut-être y trouver une boutique Telekom ? Et si on trouve pas, le Oswald prendra le car pour aller à Debrecen, la grande ville de la Puszta. C’est à une vingtaine de kilomètres.
Un peu avant d’arriver, on aperçoit au loin de grands immeubles. Ouh là là ! C’est si important que ça, Hajduszoboszló ? Ça ne va peut-être pas être évident de s’y caser quelque part…
Et si ! Aucun problème. Juste avant l’entrée de la ville, une distillerie. Derrière la distillerie, cette belle prairie. Et un très gentil patron de la distillerie qui nous permet de nous installer. Super !

Fin d’après-midi, Oswald est de retour, avec la connexion hongroise dans la poche.

Pour les juments, séance toilettage mutuel. Le bonheur !

6 Avril : Hajduszoboszló – Hortobágy 35 km

Après des kilomètres de Puszta cultivée, nous voici enfin dans le Parc Naturel National de la Puszta. Heureusement qu’il a été créé, celui-là, (en 1973 : tu vois que le communistes avaient aussi de bonnes idées) pour préserver ce qui pouvait encore l’être de cette vaste plaine marécageuse. De la prairie humide à perte de vue, de l’eau, des roseaux, et des oiseaux. Beaucoup d’oiseaux.

De temps à autre, quelques arbres viennent rompre la platitude du paysage.

Le martèlement des sabots de nos juments est accompagné par le flûtiau des crapauds et par la symphonie des grenouilles. Sans parler des harmonies ornithologiques. Et à propos de grenouilles et de crapauds, un grillage bas a été placé tout le long de la route, des deux côtés, pour éviter que les imprudents batraciens ne viennent se faire écrabouiller.

L’étape a été très longue. Les juments sont un peu fatiguées, la bonne-femme qui les mène aussi. Pas trop Altaï : comme on devait traverser toute la ville de Hajduszoboszló au départ, on l’avait monté dans la roulotte. Et puis comme ensuite on avait quelques kilomètres de route assez circulante, on l’y a laissé. On ne lui a rendu sa liberté qu’après avoir bifurqué sur la route du parc naturel. Lui, il n’a donc qu’une quinzaine de kilomètres au bout des pattes.
Trouver un emplacement s’avère plus difficile que je n’avais imaginé. On nous indique d’abord un camping, mais il n’y a pas d’herbe. Un bon quart d’heure d’arrêt. On en profite pour se payer une glace. La première de l’année.
On aperçoit un beau carré d’herbe près d’une station service, mais la jeune pompiste ne veut pas téléphoner à son patron pour demander la permission.
On nous emmène chez un promeneur-de-touristes-en-calèche-à-cheval, mais son immense pré et déjà occupé par ses propres chevaux, dont un entier. Pas question, donc. Il se décarcasse quand même pour essayer de nous trouver une solution, pour finir par nous dire d’aller voir au haras (qu’il n’a pas pu joindre par téléphone). C’est encore à deux kilomètres d’ici. Le temps de toutes ces palabres, une grosse demi-heure d’arrêt. Juments bien sages et immobiles.
On repart. Avant la bifurcation pour rejoindre le haras, un immense centre ornithologique-hôpital pour oiseaux. De belles prairies. J’arrête le carrosse. Oswald descend. Sait-on jamais.
Et c’est oui ! Avec point d’eau s’il vous plaît.

Avec tout ça, il est déjà 2 heures de l’après-midi, et on était parti vers 9 heures ce matin. Le temps de prendre soin des louloutes et de monter la clôture, on casse la croûte à 15 heures (œufs durs, poivron, oignon, concombre, ail, le tout avec une pointe de vinaigrette)
Et enfin, la sieste !!!!

7 et 8 Avril

Il y a tant de choses à voir ici qu’on a décidé de rester deux jours. J’en profite pour faire la grande lessive.

Retour d’une balade : on aperçoit Kaplumbağa derrière les roseaux.

Pour le reste, Hortobágy mérite bien son petit article à part. Ça prendrait trop de place dans le journal de voyage. Donc tu ne le liras que quand j’aurai pris le temps de l’écrire. Promis, je m’y attelle.

9 Avril : Hortobágy – Kaparó Csárda 20 km

Pffffftttt ! La chute des poils, c’est de pire en pire ! L’étrille en retire de pleines poignées !

Et c’est un départ sous la pluie, ce matin. La température est très douce. Les juments trottent allègrement après ces deux jours et trois nuits de repos. Elles n’ont fait que manger, dormir, manger, dormir.
La Puszta toujours : prairies humides à perte de vue, étangs très peu profonds, roseaux. Quelques bosquets. Des milliers d’oiseaux. Des chevreuils, qui bondissent à découvert. Quelques troupeaux de vaches (dont un de limousines !). Des moutons. De temps en temps, une ferme isolée, avec son puits à balancier et sa toiture de roseaux. Pas de poteaux électriques. Tout de même, un paysage aussi vaste non rayé par des câbles et des pylônes, qu’est-ce que c’est reposant pour la vue !

On s’arrête devant une csárda isolée en pleine cambrousse, que l’on nous avait indiquée comme emplacement possible à l’office de tourisme d’Hortobágy. C’est un ancien relais pour chevaux de diligences (cette route en comptait un tous les 20 km environ).

Nous sommes accueillis à bras ouverts. Bien entendu, nous prenons notre repas à la csárda. Les murs sont abondamment décorés d’assiettes, paniers, poteries, et autres objets divers de l’artisanat local. Le patron décroche du mur un petit pichet de terre cuite émaillée et nous l’offre en souvenir.

10 Avril : Kaparó Csárda – Porosztó 29 km

Des roseaux, des roseaux, des roseaux… Je rabâche ? Non : C’est le paysage qui rabâche.

On aborde le pont sur la Tisza.

Ou plus exactement les ponts, car ici, la Tisza se divise en quelques bras et sinue entre de vastes étangs. De l’eau partout.

Toujours aussi belle, la Tisza. Souvenirs de l’été dernier, quand nous l’avions franchie dans l’autre sens, par ce fameux bac un peu épique, tu te souviens ? Nous avions passé deux semaines sur ses rives pour cause de Noé boiteuse.
Là, je ne rabâcherai plus : le paysage, après la Tisza, est devenu un peu plus varié.
Aujourd’hui, le ciel est très couvert, le thermomètre a sérieusement baissé. En fin d’étape, je grelotte. Passé une mauvaise nuit avec un estomac contestataire. Trop de repas au restaurant ces jours derniers !!!
On s’arrête en pleine cambrousse. Un léger déjeuner de courgette-oignon-poivron me suffira amplement. Cette fois, on n’échappe pas aux pylônes électriques : on est sorti du Parc National.
À l’intérieur du Parc, l’électricité chemine sous terre pour éviter que les oiseaux ne viennent se blesser – ou se tuer en se tapant dans les câbles. (Les soins liés à ces sortes de blessures représente le plus gros du travail de l’hôpital pour oiseaux qui nous a accueillis à Hortobágy.)

Anne, 10 Avril 2016

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