2 Mai : Draževnik – Nadgorica 17 km
Au-revoir un peu difficile ! Urša voudrait bien nous garder une journée de plus ! Mais le voyage, c’est le voyage. Il faut partir... Au début, notre trio de roulotte-stoppeurs marchent à pied devant nous.
Puis derrière nous : nos juments sont un peu rapides pour leurs jambes. Alors tant qu’on reste sur le plat... tout le monde embarque dans la roulotte. On a sorti la planche qui sert de siège aux passagers, et on se serre dessus à cinq. Oups, pardon ! À six ! Parce que si Toulouse et Altaï suivent à pattes, il n’en n’est pas de même de Malo. C’est un petit chien de type shi-tzu, ramassé mourant dans un état épouvantable, voici deux semaines, en Croatie. Les soins l’ont ressuscité, mais il n’a pas encore assez d’expérience pour suivre sur ses pattes. Et puis il est si petit qu’il loge sur les genoux de Laura. On contourne Ljubljana.
Reflet dans la vitrine d’un marchand de chaussures (photo prise par Léna)
Oswald mène de plus en plus souvent. Il se débrouille vraiment bien.
photo prise par Léna :
Petit arrêt pour acheter des gourmandises.
Durant la montée, nos passagers descendent pour soulager les juments, et tout en haut de la côte, pause pour les laisser souffler.
Il existe le bancomat pour retirer des sous avec la carte bancaire. Ici, c’est le mlekomat, distributeur de lait installé devant une ferme. Patou en prend un litre. (photo prise par Léna)
Après 17 km, on finit par trouver un carré d’herbe convenable pour les juments. On ne va pas jouer les difficiles. On s’installe.
Patou et Léna profitent de la halte pour resserrer le frein à main de Kaplumbağa qui ne servait plus à grand chose, à vrai dire.
Tiens tiens ! Notre premier contrôle slovène : policija ! On ne nous demande qu’un seul passeport, et c’est Oswald qui s’y colle.
Gentiment, l’un des policier nous écrit sur un morceau de papier la traduction en slovène de : « nous avons besoin d’un pré avec de l’eau à proximité... » enfin, tout le petit baratin que j’avais appris en italien et qu’il faut maintenant que j’apprenne en slovène.
On étudie les cartes, on compare nos trajets, on s’interroge sur les chemins à prendre.
Notre trio de choc et ses deux chiens vont dormir sous l’auvent du bar. On leur prête tout ce qu’on a de couvertures, y compris celles des juments, de tapis et d’anoraks.
3 Mai : Nadgorica – Loke 25 km
2,5 km après être partis : demi-tour ! Il va falloir trouver une autre route. Nous sommes tombés sur un joli panneau avec un beau dessin indiquant que la route est interdite aux voitures à cheval ! Malheureusement, nous n’avons pas eu le réflexe de la photo. D’ailleurs, moi j’étais trop occupée par le périlleux demi-tour pour penser à ça. En tout cas, le frein à main fonctionne super bien ! Merci, Patou et Léna !
Aujourd’hui a lieu un grand marathon. Sur le bord de la route, des stands qui doivent proposer aux coureurs des sandwiches, des oranges, des bananes et de l’eau. On nous ovationne, on nous lance des bananes et des oranges...
Océane et Noé ont même droit à leur morceau de sucre. (photo prise par Léna)
Et Altaï en profite pour VOLER un sandwich sur l’étal et se sauver avec !
Un petit coucou dans le miroir !
À notre arrêt du soir, entre deux séchoirs à maïs, avec autorisation du propriétaire,
nouveau contrôle de police. Cette fois, les deux flics ont des mines patibulaires, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils n’ont rien d’aimable.
Oswald est désolé : « ils nous gâchent notre belle Slovénie, ces deux-là ». « Ce n’est pas un terrain de camping, ici ! » (in english) On leur réplique le plus calmement possible qu’on a l’autorisation du propriétaire, et que c’est pour une seule nuit. Mais ils ne sont pas là par hasard. Quelqu’un à qui ça ne plaisait pas de nous voir ici les a appelés. Ils veulent voir les papiers de tout le monde. Laura ne sort pas sa carte d’identité. Mais après avoir très longuement décortiqué nos quatre documents (ils ne trouvaient pas l’adresse de Léna sur son passeport, il a fallu qu’elle la leur montre), et avoir passé plusieurs coups de fil, ils nous regardent d’un air soupçonneux. « Vous êtes combien ? » On n’a pas pu les rouler : Laura est obligé de sortir ses papiers d’identité. Patou s’énerve un peu. Je me fais le pari à moi-même que j’arriverai à tirer un sourire à ces deux flics avant qu’ils ne partent. Léna demande à Laura de sortir sa guitare et de jouer, ce qu’elle fait. (photo prise par Léna)
« Elle est tzigane, elle », dit Patou. Le plus renfrogné des flic hausse les sourcils et esquisse un vingtième de sourire. Il finit par nous rendre nos passeports. Je lui demande d’attendre une seconde. Je rentre dans la roulotte et je ressors avec les bonbons. Là, les visages des deux flics s’illuminent d’un véritable et joyeux sourire. Pari gagné !
Un voisin propose son garage pour que nos amis puissent dormir à l’abri. (photo prise par Léna)
4 Mai : Loke – Vransko 20 km
Les juments sont vraiment sympas. Vives et guillerettes, mais très sages.
Tiens ! Un garage ! Profitons-en donc pour vérifier la pression des pneus. (photo prise par Patou)
Un petit aperçu des paysages (photos prises par Léna) :
Nos passagers descendent dans la longue montée un peu ardue pour délester un peu la roulotte et soulager Océane et Noé. En haut du col, l’une des pâtisseries les plus renommées de Slovénie. C’est Patou qui affirme avoir lu ça dans un dépliant touristique. Impensable de passer devant sans s’arrêter ! Le parking est archi-plein ! Mais d’où sortent donc toutes ces voitures ? Il n’y a vraiment pas énormément de circulation, sur notre route. Eh bien, il y a non loin un débranchement de l’autoroute. Apparemment, les gens quittent l’autoroute exprès pour venir acheter ici une petite gourmandise. (photo prise par Léna)
Patou revient avec des beignets. Il se régale, Oswald aussi. Mais nous, les filles (ah là là ! Qu’est-ce que c’est difficile, les gonzesses !) on n’a pas flashé. Ouais, bof, qu’est-ce qu’ils ont de plus que les autres, ces beignets-là ?
Altaï marche en compagnie de Toulouse, dont il est tombé un peu amoureux en dépit de ses grognements. Ce qui change radicalement son comportement vis à vis des autres chiens : « touche pas à ma copine ». Cependant, il ne dit rien à Malo. Trop petit sans doute pour faire un concurrent sérieux !
(photo prise par Léna)
Allons bon ! Des travaux ! Circulation alternée... (photo prise par Léna)
Et on finit par arriver à Vransko. Dans une poubelle, on trouve une pile d’assiettes. On en ramasse quatre pour remplacer celles qu’on a cassé depuis le départ. (photo prise par Léna)
Accueil plus que chaleureux au cirque Soluna.
Petit cirque familial, avec Papa Stefan, Maman Petra, plus leur fille Nis (16 ans) et leur fils Fjosok (14 ans), qui sont Allemands. Les quatre autres enfants sont grands et ont quitté le cocon familial. Ajoutons Harry et Noémi, deux jeunes artistes Hongrois, qui jouent dans le spectacle. Ils ont passé l’hiver ici en Slovénie, et vont repartir sur les routes dans deux semaines. Ils répètent, et nous avons le privilège d’assister à leur travail. Inutile de dire qu’Oswald jubile : il peut jacasser en allemand et ne s’en prive pas !
Les juments broutent dans un décor de rêve
Et Kaplumbağa s’est trouvé une petite copine.
Laura dort dans une cabane en haut d’un arbre.
Du 5 au 10 Mai
Nous passons quelques jours avec Circo Soluna. On se trouve bien, ici ! On est même embauchés pour les répétitions ! Je rigole bien en voyant Oswald dans son rôle de clown involontaire,
mais je n’y coupe pas non plus !!!
Le 8 mai, Léna, Patou et Laura nous quittent. Décidément, le voyage, c’est aussi de perpétuels au-revoir ! On échange nos adresses, on se promet de rester en contact. Un jour on se retrouvera, c’est sûr et certain !!!
Cette rencontre aura été extrêmement fructueuse : Léna entame sa quatrième année de voyage. Elle a acquis une expérience très partageuse et nous a refilé un tas de conseils et d’astuces qui vont nous être très utiles.
Merci, Léna ! Et merci Laura pour tes petits concerts de guitare qui ont enchanté nos oreilles. Et merci Patou pour ton sourire, ta gentillesse... et pour les croissants au chocolat dont tu nous a régalés !
Altaï nous fait une énorme bêtise ! Je l’avais détaché pour qu’il puisse cavaler une dernière fois avec sa copine Toulouse, la chienne de Léna, avant son départ. Mais pendant qu’on bavardait sans prêter attention aux chiens, Altaï s’est éclipsé. Plutôt que de rester près de Toulouse, il a préféré aller plus loin rejoindre les chiens du cirque. Sauf que là, il y avait aussi les deux lapins, qui broutaient tranquillement dans leur vaste mue. Altaï a ouvert la mue, les deux lapins se sont échappés. On les a retrouvés assez sonnés. Stress seulement, ou Altaï y a-t-il touché ? Toujours est-il que le lendemain matin, l’un des deux lapins était mort. Choc. Larmes. Je culpabilise...
Le samedi matin, nous sommes embauchés pour la battage du chanvre, dans le château voisin. Ce château, en cours de restauration, appartient à un architecte de Ljubljana.
Le projet, c’est d’en faire un grand centre de permaculture. Tomi, qui gère tout cela, a déjà dans la tête l’image des jardins qui vont voir le jour.
Tomi nous a appris une nouvelle manière de faire la vaisselle. Comment ? Avec du son ! Pratique : à la fin du repas, on se fait passer la grande bassine pleine de son, et chacun lave son assiette et ses couverts. Pas besoin de lessive, pas besoin d’eau. Ça marche même avec les plats bien gras.
La batteuse est en place. On se met à trois pour sortir les gerbes de chanvre de la grange. Tomi les passe à l’homme qui se trouve sur la batteuse. La batteuse avale les têtes. Dans un sac tombe le grain, et à la sortie, les tiges écrasées qui se transforment en une espèce de filasse. Oswald récupère le reste des tiges et les entasse : un camion viendra les chercher pour les emmener vers l’entreprise qui les transformera en fibres pour la fabrication de cordes et de matière isolante...
Les balles (chènevotte) serviront également d’isolant.
Mince alors ! Dans la grange, sous les gerbes de chanvre, un hérisson paresseux n’était pas encore tout à fait sorti de son hibernation. Il est encore un peu groggy quand on le ramasse. Qu’est-ce que ça peut être casse-pattes, ces humains ! Pas moyen de dormir tout son saoul ! On le dépose dehors tout doucement. Il reste un moment un peu ahuri par ce qui lui arrive, puis reprend ses esprits et s’éveille tout à fait. Bon été, petit hérisson !
Mais notre travail ne dure pas très longtemps ! Très vite, Tomi décide d’abandonner. Le jeu n’en vaut pas la chandelle : il n’y a pratiquement plus de graines à récupérer ! Normalement, le battage du chanvre a lieu à l’automne. Mais de nombreux autres travaux ont repoussé l’opération. Comme le chanvre était bien à l’abri dans la grange, cela ne semblait pas représenter un gros inconvénient. Sauf que presque tout le grain est tombé tout seul ! On décide donc d’arrêter la batteuse et de se contenter de tout donner à l’usine qui va transformer les tiges en fibres. Mais on perd ainsi la moitié du bénéfice escompté. « C’est un apprentissage qui coûte cher » soupire Tomi.
Ici, l’eau coule en abondance, limpide, et potable. Une micro centrale hydroélectrique permettra l’indépendance vis à vis des fournisseurs d’électricité.
11 Mai : Vransko – Trnovlje : 32 km
Snif ! Snif ! Les séparations sont toujours difficiles, mais certaines plus que d’autres... Celle-ci en fait partie. Regardez le joli cadeau d’adieu que nous a fabriqué Petra !
Danke Solunas !
Et pour la première fois en Slovénie, une route assez désagréable avec pas mal de circulation. Pour traverser Žalec, nous avons attaché Altaï derrière Kaplumbağa par mesure de sécurité. Mais nous apprenons à nos dépends que les fans de la SPA Slovène sont aussi actifs que ceux d’Italie ! Une femme (une femme ? Non ! Une véritable furie qui nous incendie d’abord en Slovène, puis en Allemand.) a téléphoné aux flics pour leur dire que nous maltraitions notre pauvre chien. Les flics nous ont rejoint, pas trop gentils. Et nous on flanqué une amende : c’est écrit dans leur petit livre, il est strictement interdit d’attacher un chien à quelque véhicule que ce soit. Même un vélo. On leur a dit qu’on traversait la ville au pas, donc bien moins vite qu’un vélo, et à l’allure d’un homme qui marche. C’est pas interdit de tenir son chien en laisse ? Non ! Mais c’est interdit de l’attacher à un véhicule. Na ! D’ailleurs, le goudron est noir, donc c’est chaud et ça brûle les pattes. Du coup, quand Oswald rentre dans la roulotte chercher les passeports réclamés, il se déchausse et retourne pieds nus jusqu’aux flics (la température extérieure tourne autour de 16°) "Qu’est-ce que vous me racontez ? il n’est pas chaud du tout, cet asphalte ! Vous voulez tester ?" Heureusement, les flics ne sont pas d’humeur à rentrer dans la discussion. Entre l’examen méticuleux de nos passeports, de celui d’Altaï, la rédaction du PV et son paiement, eh ben on est bien restés arrêtés trois bons quarts d’heure !!!
Par dessus le marché, on s’aperçoit, de là où les flics nous retiennent, que la route toute proche que nous avions prévu d’emprunter est interdite aux véhicules hippomobiles. Joli panneau à l’appui ! Puisque les flics sont là, qu’ils servent au moins à quelque chose ! On passe par où ? Réponse : on peut prendre la route interdite sur 500 mètres, et après il y a une toute petite route parallèle qui nous emmènera jusqu’à Celje. Si on ne l’a pas vue sur la carte, c’est qu’en fait il s’agit de la voie cyclable.
Nous la prenons donc.
Pour terminer, nous trouvons une place vraiment pas terrible, mais il faudra bien faire avec jusqu’à demain matin !
Quelques remarques
L’agriculture en montagne est toute petite, tout à fait familiale. Les fermes ne comptent que quelques hectares.
Les tracteurs sont tout petits.
Les parcelles cultivées aussi.
Étables à vaches au milieu des villages. Dans les tout petits villages, il est assez fréquent que chaque famille ait sa vache. Ici, à Col, où a été prise la photo (c’est l’odeur qui nous a mis la puce à l’oreille) c’est la seule famille qui possède une vache au cœur du village.
Il existe des fermes un peu plus importantes, en Slovénie, qui peuvent compter 50 ou 60 ha. Là, les tracteurs reviennent à des tailles plus imposantes. Mais beaucoup ne comptent que 10 ha, voire moins. Les ¾ des éleveurs ont moins de 10 vaches. 60 % de la surface agricole est composée de pâturages. On trouve aussi du maraîchage.
Et pas mal de houblon.
Le remembrement n’est pas passé par là : les parcelles de différents propriétaires se trouvent imbriquées les unes dans les autres. Et chacun tient jalousement à sa parcelle !
En fait, après l’indépendance, on a décollectivisé les fermes, et les parcelles ont été restituées aux petits paysans.
Coup de cœur pour les granges, qui sont très belles.
Les abeilles ? Condamnées à vivre entassées comme dans des immeubles de banlieue !!!
C’est bizarre qu’aucun membre de la SPA ne nous ait jamais fait d’ennui parce que nous attelons les juments. Les pauvres ! Attachées devant la roulotte et obligées de tirer comme des esclaves !
Anne, 11 Mai 2015