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Coup de foudre pour la Slovénie 5/05/2015

Hommage

Avant de franchir la frontière, nous voulons rendre un dernier hommage à Salvo. Vous souvenez-vous de lui ? Au début du mois de janvier, Salvo et Manuela nous avaient recueillis à Front, alors que nous venions de nous faire expulser de notre emplacement par le flic du village. Nous avons passé quelques jours chez eux, derrière leur magnifique school bus américain. Ce sont Salvo et Manuela qui sont parvenus à nous convaincre, en dépit de nos réticences, d’ouvrir une page Facebook. Étant donné le nombre sans cesse croissant de personnes qui suivent nos aventures presque au jour le jour sur ce machin, et leurs réactions enthousiastes, nous ne regrettons pas le petit surcroît de ce fichu travail informatique que ça nous donne. C’est Manuela qui nous avait très gentiment installé cette page, et qui nous en avait grosso-modo expliqué le fonctionnement. La première chose qui a été postée sur cette page, c’était la petite vidéo tournée par Salvo le matin de notre départ.
Cher Salvo, nous n’oublierons jamais la chaleur de ton accueil, ni celle de ton sourire. Nous n’oublierons pas tes enthousiasmes, ni la façon dont tu parlais de tes passions.
Salvo et Manuela projetaient de partir faire le tour du monde dans ce fameux school bus, qu’ils avaient décidé de réaménager dans ce but. Le fait de nous avoir rencontrés avait redonné de l’élan et de la flamme à leur projet.
Salvo et Manuela ne partiront pas. Le 12 Avril, nous avons appris avec stupeur le décès soudain de Salvo, si jeune encore... Et nous avons pleuré.
Manuela, nous savons bien qu’une blessure aussi douloureuse et aussi profonde ne pourra que mettre un très long temps avant de commencer à cicatriser. Nous ne pouvons rien faire d’autre que de partager un peu ta souffrance.

Adieu, Salvo !
Nous ne t’oublierons pas...

23 Avril : Sagrado (Italie) – Oševljek (Slovénie) 21 km

21 kilomètres parcourus, pour une distance beaucoup plus faible en réalité : on s’est trompé de direction à un moment donné, et il a fallu rebrousser chemin. Combien de kilomètres en trop ? 6 ou 8, environ, comme ça, à l’estime...
Dernière route Italienne.

Et premier village Slovène : Miren

Tiens ! Un monument à la gloire de Tito ? Original !

Le panneau indiquant l’école nous a amusés.

Peu de circulation sur la route, de la verdure et des prés partout... Finalement, nous nous sommes installés sans permission (à qui demander ?) sur cette friche un peu à l’écart du village où repoussent joyeusement quantité de petits acacias, juste en bordure d’un ruisseau.

Et presque aussitôt, nous avons quelques visites bien sympathiques : il faut montrer les chevaux aux enfants. On fait monter une petite fille, ravie, sur Océane. Aucune difficulté de compréhension avec les adultes, qui parlent tous Italien. Par contre, Deni, un petit bavard de quatre ans nous abreuve d’un très long discours en Slovène, sans comprendre qu’on n’y comprend rien. Sa sœur Maja, sept ans, cueille un gros bouquet de fleurs sauvages et vient nous l’offrir avec un charmant sourire. Elle est très fière de nous montrer qu’elle sait compter jusqu’à dix en Anglais. Je fais compter Deni en Français. Il répète impeccablement après moi, sans aucun accent ! On nous apporte une délicieuse soupe toute chaude « avec rien que des produits naturels » à l’heure de dîner. Un thé brûlant, dans lequel a été ajouté « un sachet de vitamines au goût d’orange » (on a une tête à avoir besoin de vitamines ?) Sans compter : pommes pour les chevaux, biscuits pour le chien, petits gâteaux sucrés et salés, sucre, pain...) Et un joyeux (in english) « Welcome in Slovenija ! »
À propos de pain : en Slovénie, on retrouve enfin du vrai bon pain !!! Parce que en Italie, le pain... bof ! Même ce qu’ils appellent fièrement le pain français... bof ! Bof !
Entendu le premier coucou.
Concerts de merles et de rossignols.

24 Avril : Oševljek – Batuja 9 km

Ce matin : on part ? On part pas ? Il pleut ! On ne part pas. On n’est pas si mal, ici, et puis harnacher sous la pluie, hein ?
Visite de deux meneurs qui habitent à 5 km d’ici. Ils ont parcouru la route depuis leur village jusqu’à Vienne (Autriche), avec des chevaux attelés en paire et des relais, tout au trot voire au galop. Chaque paire de chevaux était relayée tous les 30 à 35 km. Eux parcouraient environ 100 km par jour. En moins de trois jours, c’était bouclé ! Voilà comment le courrier voyageait autrefois !
C’est quoi, cette musique tyrolienne tonitruante avec une sono épouvantable ? Un cirque qui arrive dans le village ? On l’entend de loin ! Ça traverse tout le village, et ça arrive vers nous, assourdissant. Les juments n’apprécient guère ! Pourtant, d’habitude, elles aiment ça, la musique. Mais là, vraiment, ça exagère !
Ben c’est pas un cirque. C’est le poissonnier !
Du coup, on lui achète deux maquereaux.
On ne sait pas si c’est l’habitude des marchands ambulants du pays, d’arriver en fanfare, ou si ce poissonnier-là est un original.
Le soleil est de retour. Il n’est que 11 heures. Si on partait, après tout ?
On part. Une heure pour préparer les juments et démonter la clôture, ça veut dire départ à midi.
Je chausse Noé avec ses super Old Macs amortissantes et anti-dérapantes, parce qu’il va y avoir une montée très raide. J’ai le cœur qui bat fort. Sur les petites montées d’hier, Noé a ripé plusieurs fois, chaussée avec les clogs, et même pieds nus. (on l’a déchaussée en cours de route) Évidemment, on a toujours la chute de Chalamont dans le crâne. Alors dès que ça glisse un peu, on a forcément la trouille. Alors quand ça va devenir bien raide... Aujourd’hui, c’est l’épreuve de vérité. Parce que la Slovénie, c’est presque tout montagne. Si Noé ne parvient pas à monter avec les Old Macs, ça risque d’être la fin du voyage.
Et ça monte ! La grosse montée très raide du départ, plus deux autres belles montées, moins raides, mais bien plus longues. Noé sue et respire fort. J’arrête les juments en haut de la côte pour leur laisser le temps de reprendre souffle. Noé récupère très vite. Quand à Océane, elle s’envoie ça comme une fleur. Pieds nus. Elle tire fort et droit. De surcroît, elle corrige les écarts de conduite de Noé sans que ça ne semble tellement la contrarier. Bravo Océane !
Pour nous, c’est un régal : de vrais paysage, de la verdure, pas de circulation sur les routes. Quel contraste avec le Nord de l’Italie !

Dans les descentes, pourtant assez ardues aussi, aucun problème. Les deux juments assurent, avec une prudence incroyable.
Et voilà, 9 km suffiront pour aujourd’hui. Noé et les Old Macs ont passé l’épreuve avec succès. Ouf ! Et puis voici que la pluie revient. Une pluie battante, qui nous arrive de face ! En quelque minutes, nous sommes trempés.
Bien contents de trouver cette halte sur le parking d’un restaurant.

Dételer, poser la clôture, bichonner les juments, les abreuver, préparer le repas... Avec tout ça, il est déjà 15 h quand nous nous asseyons enfin devant la roulotte pour déguster nos maquereaux.
Katia, la serveuse du restaurant, arrive avec des boissons... offertes par les consommateurs qui sont en train de siroter à la terrasse. Une bonne bière pour Oswald, un jus d’orange pour moi.
Charmante promenade bucolique, accompagnée par le chant d’amour des crapauds.

25 Avril : Batuja – Col 20 km

À vrai dire, on ne pensait pas accomplir une telle étape aujourd’hui. Nous pensions nous contenter d’un tout petit parcours d’environ 8 km jusqu’à la petite ville nommée Ajdovščina (prononcez Aydovchtchina)
Parce que nous savions qu’ensuite nous attendait une très longue montée de 12 km, assez costaude, pour arriver à Col (prononcer Stsol), un petit village perché sur la montagne.
Le paysage nous enchante.

Malheureusement, nous ne trouvons aucun emplacement valable à Ajdovščina. Et juste après, la montée commence. Les juments toutes guillerettes, qui pensent sûrement que c’est une petite côte pour grimper sur un pont, s’élancent au trot. J’essaie de les retenir, et ça les énerve. Résultat, à peine un kilomètre plus loin, elles soufflent comme des phoques. Surtout Noé. Trempée de sueur, la Noé ! On est obligé de s’arrêter, en pleine montée. Jamais elles ne tiendront le coup sur la longueur, si elles s’y prennent comme ça ! Oswald place les cales derrière la roulotte, et on attend un quart d’heure que Noé reprennent un peu souffle. Ses flancs battent comme des soufflets de forge. Océane tient mieux le choc, mais je m’inquiète aussi pour elle : pensant ne parcourir qu’une courte distance relativement facile, je ne l’ai pas chaussée ce matin. Est-ce qu’elle va tenir, pieds nus, sur cette côte raide, et sur une telle distance ? Pour l’instant, aucune boiterie, aucune gêne visible, pas de sensibilité exagérée sous les sabots. Mais, mais, mais...
Pour le redémarrage en montée, Oswald s’arc-boute derrière la roulotte pour la pousser. Ce qui aide grandement les louloutes, mais épuise le pauvre bonhomme !
Eh bien, figurez-vous, elles vont le faire ! Avec quatre arrêts-reprise de souffle. À chaque arrêt, le réconfort de quelques caresses, d’un peu d’eau, de morceaux de pommes et de touffes de pissenlits (Océane, surtout, raffole des pissenlits).

Et pendant la grimpette, pour les encourager, je chante ! À pleins poumons, et en scandant bien les paroles. Ça fonctionne ! Mieux qu’un coup de fouet. Quand j’arrête de chanter, elles ralentissent. Dès que je recommence, elles reprennent courage. La plus efficace, c’est l’indémodable « Santiano » ! « Nous arriverons jusqu’à... Col ! »

Et nous y sommes arrivés ! Les juments n’ont pas volé leur pré (prêté par le « ravi » du village, tout à fait ravi d’avoir des invitées imprévues qui vont défricher le terrain à sa place !) assez petit mais très fourni, et plein de... pissenlits ! Tiens, elles ne jouent pas les fofolles, aujourd’hui ! Pas de gambades intempestives ! Pas de petit galop joyeux ! Elles fourrent leurs naseaux dans l’herbe, et mangent, mangent, mangent.

Et puis dites donc, nous aussi, on a bien mérité notre petit réconfort, à la gostilna (auberge) du coin. Le patron, qui a autrefois été chauffeur de poids lourds, a sillonné la France en long en large et en travers. Il parle correctement le français, et naturellement, connaît bien Châteauroux. Enfin, l’Escale, en tout cas ! Resto incontournable pour tout routier qui se respecte !

Voici une photo prise depuis l’emplacement de la roulotte : vous voyez ? On était tout là-bas en bas. Imaginez la grimpette imposée aux juments !

26 Avril

Les juments n’ont pas volé leur jour de repos, et nous non plus, d’ailleurs !
Ce matin, longue randonnée dans la montagne. Pas un chat. Qu’est-ce que ça fait du bien ! On respire. Nuages et brume. Les paysages sont splendides.

On botanise un peu.

De petites maisons très isolées se blottissent au creux des vallons.

Comme partout où des humains ont aménagé la montagne : des murets de pierres sèches

les gens du coin sont artistes, aussi, à leurs heures !

Le village lui-même est charmant. Aucune ambition dans l’architecture des maisons, toutes simplettes, une jolie petite église qui rassemble beaucoup de fidèles (nous sommes aujourd’hui dimanche), une ambiance bon enfant. Les enfants jouent dans la rue, les jeunes se rassemblent en petits groupes pour bavarder, la gostilna possède sa petite clientèle. Les passants reluquent notre roulotte, nous saluent de joyeux « dober dan ! », mais demeurent assez discrets. Beaucoup plus vivant, en tout cas, que les petits villages aux rues vides que nous avons traversés en France et en Italie.

Le soir, nous avons la visite de deux « cow-boys » Slovènes, venus d’Ajdovščina montés sur leurs fringants coursiers. Descendus de leurs nobles montures, ils marchent en roulant des épaules et en faisant cliqueter leurs éperons à molettes. Comme des vrais ! Ils se sont arrêtés boire un pot à la gostilna, et se sont montrés fort curieux de notre aventure. (L’un d’eux parlait anglais, comme tout bon cow-boy qui se respecte.)

27 Avril : Col – Logatec 28,5 km

L’étape d’avant-hier, après tout, n’était qu’un amuse-gueule pour nos juments. Elles ne se doutaient pas du plat de résistance qui les attendait aujourd’hui !
Comme mise en bouche, neuf bons kilomètres de montée, dont certaines petites portions plus raides encore que celles d’avant-hier. Puis la ligne de crête, par vagues successives de descentes et de montées (entre 800 et 900 m d’altitude). Puis la longue descente en épingles à cheveux vers la vallée ! De tout en bas à Col, puis de Col à tout en haut, il y a eu deux étapes. Mais il a fallu redescendre d’une traite de tout en haut à tout en bas ! Pas si fastoche...
Une chose absolument certaine : sans les Old Macs, Noé aurait été incapable de faire ce qu’elle a fait. Pieds nus, impensable : elle a les sabots trop sensibles, et la corne pas assez dure. Avec les clogs, elle glisse : elle ne sait pas s’y prendre, comme Océane, pour monter en mesurant ses efforts. Ses postérieurs dérapent. Et nous savons bien, depuis Chalamont, que c’est au point de tomber au beau milieu de la route. Avec les Old Macs, qui amortissent ses pas, elle ne souffre pas. Son confort est assuré. Elle ne dérape pas : ses postérieurs peuvent prendre sur la route un appui solide. Son courage et son ardeur au travail font le reste. Je n’ose même pas penser à ce que ça aurait pu donner avec des fers au pieds. Parce que les fers, c’est plus glissant que les clogs. Même avec des pointes de tungstène, je suis presque certaine que c’était hors des limites des capacités de Noé. Elle ne sait pas monter. Elle donne toujours l’impression de peiner deux fois plus que nécessaire. Mais grâce à ses super chaussures, elle a pu assurer ce qu’on lui demandait. Après ces deux étapes, nous savons (en tout cas nous espérons) que la suite du voyage n’est pas compromise. La Slovénie, c’était vraiment l’épreuve de vérité.

Petite parenthèse technique pour ceux que ça intéresse.

Cette deuxième rude étape a cependant été plus facile à gérer que la première, avant-hier. Les juments avaient compris qu’on ne montait pas simplement sur un pont au-dessus de l’autoroute. Que nous leur demandions un effort sur la durée. Elles ont donc été plus sages et plus à l’écoute. Elles me font davantage confiance, comme si elles comprenaient que je sais des choses qu’elles ne peuvent pas savoir (bien sûr, elles n’ont pas regardé la carte avec les courbes de niveau.) D’autre part, moi aussi j’ai appris quelque chose : par moments c’est à elles de prendre l’initiative du rythme et de l’allure qui leur convient. Après tout, ce sont elles qui travaillent, et elles qui sentent. Je fais surtout confiance à Océane, qui sait parfaitement à quel moment il est utile de partir au trot, et à quel moment mieux vaut se contenter du pas. Elle le sent à l’inclinaison de la pente, au poids de la roulotte derrière elle. Et elle n’hésite pas à rappeler sa sœur à plus de sagesse d’un petit coup de dents si nécessaire. Donc moi étant à l’écoute des juments, et les juments étant à mon écoute, la confiance s’instaurant des deux côtés. Les premiers tâtonnements passés, nous avons commencé à jubiler. Moi parce que je ne suis plus sans cesse obligée de contrôler, elles parce qu’elles ont parfaitement compris qu’au bout de l’effort, il y a le morceau de pomme... ou le pissenlit ! (Super, le pissenlit, comme récompense : c’est pas cher et on en trouve à peu près partout !)
J’avais appris deux choses : avec une roulotte, on ne trotte pas. Dans une montée, on ne trotte pas. Donc avec une roulotte ET dans une montée, stricte interdiction de trotter. Seulement voilà ! Océane et Noé AIMENT trotter, et s’ennuient au pas. N’oublions pas qu’elles ont une moitié de sang de trotteur, quand même. L’atavisme est là, bien présent. Durant toute la partie française du voyage, j’ai passé mon temps à me bagarrer contre elles pour tâcher de les empêcher de se lancer dans leur allure favorite. Le pire, c’est que c’était surtout DANS LES MONTÉES, justement, qu’elles voulaient trotter ! « Ça nous apprendra à avoir acheté des juments de compétition », grommelait sans cesse Oswald.
Puis, lorsque nous avons été arrêtés pour cause d’incapacité Noéienne, au début de l’Italie, j’ai parlé de ce que je considérais comme un problème à Carolina, notre vétérinaire de choc. Elle a eu un petit sourire. « Si la montée n’est pas trop longue, il FAUT les laisser trotter. C’est beaucoup plus facile pour elles ! Pourquoi tu crois qu’elles veulent le faire ? Elles sentent bien elles-mêmes quand elles peinent
moins ! »
J’ai donc commencé à laisser les jument trotter d’abord sur le plat quand la route s ’y prêtait, puis pour monter sur les ponts. Et en effet, elles allaient bien mieux : Noé peinait moins, et Océane tirait plus (au pas, Océane, pas folle la guêpe, a tendance à vouloir laisser à sa frangine la plus grosse partie du boulot ! Puisqu’elle le fait, cette andouille, pourquoi est-ce que je me fatiguerais, hein ? Dites voir !)
Quelques jours plus tard Claire et Stefano, roulottiers aguerris depuis des années, viennent nous rendre une petite visite. Je ré-aborde le problème. Petit sourire, là aussi. « Mais nous, on laisse TOUJOURS trotter dans les montées ! C’est bien moins fatiguant pour eux ! » affirme Claire. « D’ailleurs, ajoute Stéfano, imagine que tu aies une brouette à pousser sur une côte. Si tu pars de pied ferme et sans élan, tu vas vachement peiner ! Par contre, si tu prends ton élan en courant, tu monteras beaucoup plus facilement ! »

Alors ? Il est bien sur impossible de s’envoyer neuf kilomètres d’affilée de montée au trot. Donc, on monte au pas. Mais quand brusquement la pente raidit, sur disons 300 ou 500 m, les louloutes le perçoivent fort bien, quelques mètres avant. Elles se lancent au trot. Je laisse faire. Quand la côte se radoucit un peu, on repasse au pas. Si l’effort a été trop rude, on s’arrête, on cale la roulotte et on souffle dix minutes. C’est ainsi que nous avons abattu nos neuf kilomètres de grimpette. Avec beaucoup moins de difficulté que l’avant-veille, où les juments s’étaient lancées trop tôt au trot, et s’étaient fatiguées trop vite.
Il me semble bien que plus nous prendrons l’expérience de la montagne, plus nous nous ferons mutuellement confiance. Voilà qui devient vraiment intéressant.

Fin de la parenthèse

Pour tout dire, nous avions pensé bivouaquer en haut de la montagne, et ne descendre vers la plaine que le lendemain. Mais au sommet : point d’emplacement. Nous avons donc continué.
Nous vivons dans un rêve.

Enchantement pour les narines : ce parfum d’altitude !
Enchantement pour les oreilles : ce silence !
Enchantement pour les yeux : route quasi déserte, montagne rocailleuse, leçon de géographie (d’abord les feuillus, puis résineux et feuillus mélangés, puis résineux seuls...) Quelques maisons isolées, charmantes.

Ici, la sculpture d’un ours nous rappelle que nous empiétons effectivement sur le domaine des ours. Si je ne me trompe, les fameux ours réintroduits dans nos Pyrénées Françaises n’étaient-ils point Slovènes ? Nous nous sentons singulièrement petits. Comment réagiraient les juments, si un ours traversait la route devant nous ? À vrai dire, le risque (ou le bonheur ?) que ça se produise est quasi nul. Alors désolés, la photo est floue (la roulotte bouge, n’est-ce pas ) mais je vous l’impose quand même.

Et ça, au beau milieu de la forêt, aucun pâturage, aucune maison alentours. Une réserve d’eau ? Pour qui ? Pour quoi ? De quelle époque ?

Arrivés en bas, bernique, pas d’emplacement non plus ! Pourtant, ce n’est pas l’herbe qui manque ! Ni les pissenlits !

Finalement, il a nous a fallu encore cinq bons kilomètres pour trouver notre bonheur. Derrière un grand complexe sport et loisir, restaurant à l’appui. Un restaurant ? Encore ! Juré, on ne l’a pas fait exprès ! Cinq heures de route pas facile et presque trente kilomètres.

Pour une fois, les juments ont la permission de se régaler avec les petites feuilles vert clair et printanières des arbrisseaux.

Et nous, notre resto, on ne l’a pas volé non plus, hein ?

29 Avril : Logatec - Draževnik 24 km

Nettement moins agréable, notre route, aujourd’hui, mais beaucoup plus facile pour les juments. En effet nous ne pouvons éviter de raser Ljubjana, en contournant par le Nord la capitale Slovène. Nous sommes donc obligés de prendre la grande route. Tout de même... Oui, ça circule, et il y a même des camions. Mais après notre expérience Italienne, c’est de la rigolade.

Et c’est avec stupeur que nous lisons le panneau d’entrée de ville : « Ljubjana ». 50 mètres plus tard, c’est le panneau qui indique la sortie de la capitale, parce que nous bifurquons sur la petite route qui doit nous permettre de la contourner. Malgré tout... Vous imaginez ça, à l’entrée de Paris ??????

Dès que nous avons quitté la route principale, nous commençons à mendier un pré. Arrêt devant une petite église, le temps qu’Oswald aille aux renseignements.

Finalement, un jeune homme monté sur des rollers, nous fait signe de le suivre. Il nous conduit jusqu’à une ferme où l’on élève des vaches laitières, de race Simmental. Avec un atelier d’engraissement des taurillons. La Simmental est une race suisse, mixte (lait et viande) Le lait de la Simmental est réputé d’excellente qualité pour la fabrication du fromage (dont le fameux emmental) et les veaux ont une croissance très rapide. C’est bien sûr une race de montagnardes ! Elle doit son nom à une petite rivière, la Simme, tal signifiant vallée.

Urša, la fille des paysans, 25 ans, est étudiante en langues étrangères et parle très correctement le français. Elle nous accueille avec beaucoup de chaleur, ravie de l’occasion d’exercer son français !

N’empêche, on n’est qu’à deux kilomètres de la capitale. Ça se voit bien, d’ailleurs ! Regardez-moi ça ces horribles panneaux publicitaires qui gâchent le paysage ! Et cette circulation intense sur la route !

Altaï s’est trouvé une copine en la personne de Lu, chienne bouvier Bernois bien grassouillette.

Premier Mai.

Après un très copieux petit déjeuner en famille, à la Slovène (œufs et charcuterie maison, pain maison, confiture maison... un régal !) Urša nous emmène en voiture visiter Ljubjana. Vous pourrez lire un article consacré à cette visite quand j’aurai eu le temps de l’écrire et de trier les photos qui vont avec !
Urša est incroyable. Chaque jour, elle trait les vaches à de 3 heures à 5 heures du matin (il faut que le lait aie le temps de refroidir avant le passage du camion de la laiterie) et de 3 heures à 5 heures l’après-midi. Pendant ce temps, sa maman fait boire les veaux, et sa sœur nourrit les bêtes. Le papa et le frère s’occupent plutôt des champs et des tracteurs. Mais plusieurs jours par semaine, Urša donne des cours de français, d’italien et d’espagnol. Elle parle aussi l’anglais et comprend le portugais. Elle a étudié le grec ancien et le latin, et même le vieux français !
Après Ljubjana, Urša, ravie de l’aventure qui la change de sa routine, nous emmène jusqu’au petit village où Léna vient d’arriver. Léna, après trois ans de route à peu près inverse de la nôtre avec sa roulotte et ses deux juments, rentre en France. Et tiens ! Nos chemins se croisent. Allez voir son BLOG, il est superbe.
C’est magique ! Après s’être suivis mutuellement sur nos sites respectifs, nous nous rencontrons POUR DE VRAI !
Léna est en compagnie de Patou et de Laura, qui a très envie de partir sur les routes elle aussi, et accompagne Léna un bout de chemin pour prendre un peu d’expérience.

Léna doit déplacer sa roulotte à deux kilomètres d’ici. Elle a l’intention de la laisser quelques jours, ainsi que ses juments, pour aller rendre visite à un petit cirque familial qui voyage en roulotte, et qui a pris ses quartiers d’hiver en Slovénie. Le cirque ne se trouvant pas sur son chemin, elle a décidé de le rejoindre en stop, avec Laura et Patou bien entendu. Mais... Ce cirque-là se trouve sur notre route à nous !!! Donc, ce sera de la roulotte-stop que fera le trio. C’est décidé, on les emmène. Vous imaginez ? La petite Kaplumbağa avec 5 personnes et 3 chiens !
En attendant, les deux kilomètres, je les parcours en compagnie de Léna et Laura, dans la roulotte de Léna.

Puis nous ramenons Léna, Patou, Laura, Toulouse (chienne de Léna) et Malo (chien de Laura) chez Urša. Ils dormiront sur le foin, avec les veaux !

Quelques remarques

- Nous avons déniché une astucieuse récupération d’eau. L’eau de la gouttière s’en va dans une cuve à l’intérieur de la cabane, et en ressort par un tuyau qui descend vers le jardin, beaucoup plus bas.

- En Slovénie, l’école primaire s’étale sur 9 ans, et le secondaire, qui aboutit sur le diplôme équivalent au bac, sur 4 ans. Les facultés se trouvent à Ljubjana, Maribor et Nova Gorica. L’enseignement y est d’excellente qualité.

- La mode, dans l’apprentissage des langues étrangères, est à l’espagnol. Pourquoi ? Grâce aux télé-novelas espagnoles, qui ont un succès fou en Slovénie. Ici, le doublage n’existe pas. Les films étrangers sont sous-titrés. Donc les ados fans de télé-novelas entendent la langue espagnole et ont envie de l’étudier.

- Les nains de jardin sévissent gravement en Slovénie !

- Tout est propre, net, coquet. Maisons bien soignées, jardinets fleuris. Peu de clôtures, pas de lourds cancellos blindés, pas de vidéo-surveillance, pas de flics partout ! Des chiens compagnons plus que gardiens. Oh ! on a bien vu de temps à autre une canette vide ou un paquet de cigarette qui traîne sur un bas-côté. Mais à côté de l’Italie, c’est vraiment nickel.

- Les ours Slovènes sont très pacifiques, très protégés, et vus d’un très bon œil par la population. Alors comment se fait-il qu’en arrivant en France ils deviennent brusquement des monstres sanguinaires ? Le prénom de notre hôtesse à Draževnik, Urša, signifie « ourse »

- Prikólica (prononcer prikolissa, en roulant le r) : c’est la roulotte en slovène.

Anne, le 5 Mai 2015

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