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Premiers pas dans le Veneto 4/04/2015

19 Mars : Strada Mandrago – Corte Ruffo (commune de Salizzole) 23 km

Nous voici donc dans le Veneto. Un sensible changement dans l’architecture, même celle des petites maisons.
On croise un drôle de petit véhicule à trois roues qui se prend pour une vache et transporte toute une cargaison de... pissenlits ! Le conducteur, très jovial, nous fait signe de nous arrêter, et nous papotons quelques minutes.

Beaucoup de bâtiments de ferme en ruines. Ici, les fermes ne sont plus des « cascine », mais des « corte ».

L’agriculture semble assez variée, mais tout de même... Toujours ces infinies plaines cultivées. Ça devient lassant.

L’électricité solaire est toujours aussi présente. Chaque lampadaire a son petit panneau.

Émouvant : voici comment on peut annoncer à tout un chacun la naissance d’une petite fille !

On passe devant une école maternelle à l’heure de la sortie. Très bruyant ! « Cavalli ! Cavalli ! » hurlent les bambini en se précipitant à la grille.

Mais les juments marchent, marchent et marchent encore, sans que l’on ne trouve aucun endroit adéquat pour stationner. Ça fait trois heures et demi qu’on roule. Ma colonne vertébrale commence à crier grâce ! Finalement à l’entrée de Salizzole, un parking de zone industrielle, une friche, une mare à proximité. C’est juste au bord de la route, mais faute de mieux... Un homme est en train d’apporter de la terre sur la friche avec son bulldozer. Il ne voit pas d’inconvénient à ce qu’on s’y installe, pourvu qu’on ne le dérange pas dans ses manœuvres. Mais de s’installer là, ça sent le carabiniero ou le vigile à plein nez ! Enfin, on commence à avoir l’habitude. Tant pis, on verra bien. On dételle, et je dégarnis les juments pendant qu’Oswald commence à monter la clôture.
Une voiture s’arrête. Un type en descend. Démarche tout de guingois, élocution extrêmement difficile. Je ne comprends rien à ce qu’il raconte. Finalement, avec le mot « casa » plusieurs fois répété, Oswald finit par deviner qu’il veut qu’on aille chez lui. Un peu réticent, Oswald finit par monter dans la voiture pour aller reconnaître les lieux.
Vingt minutes plus tard, ils sont de retour, avec un charmant jeune homme qui parle anglais.
Nous venons de faire la connaissance d’Adriano et de son petit-fils Luca.
Oswald me dit que l’endroit est vraiment bien. Une maison isolée, un bon pré pour les juments. On ré-attelle maintenant, ou on y va demain ? Je suis claquée, mais demain, j’ai envie de me reposer ! Et puis une nuit au bord de cette grande route, avec tous ces camions qui passent. Et aussi l’idée d’être obligée de discuter avec des carabinieri... Tant pis, pour trois kilomètres, on ré-attelle ! Tant qu’on est dans l’élan... On re-garnit Océane et Noé, et en route !
On ne le regrettera pas ! Quel accueil ! Adriano (78 ans) est assez handicapé. Sa démarche est chaloupante ; il parle avec beaucoup de difficulté. Cependant, il fait preuve d’un dynamisme remarquable ! Toujours souriant, très bavard (heureusement que les petits-fils sont là pour traduire), il conduit son tracteur, taille ses arbres, bref, il ne se laisse pas abattre !
À notre arrivée, son cheval noir, à la vue de nos juments, a sauté allègrement par-dessus la clôture ! Une bonne demi-heure pour le rattraper. Et nous avons appris que ce cheval-là n’avait pas moins de 20 ans ! C’était, paraît-il, la première fois de sa vie qu’il jouait un tour pareil.
Les petit-fils d’Adriano nous amènent un tuyau près de la roulotte et y montent un robinet pour qu’on ait l’eau courante à proximité.

Voici notre belle petite installation. Pas de camion. Pas de contrôle des « documenti ». Le rêve !

20 Mars

Nous allons jusqu’au village à pied, pour faire quelques courses. C’est à un kilomètre environ.
À midi nous sommes invités à déjeuner en famille. Grande tablée paysanne. Simplicité, sourires, bonne humeur.
Il y a Adriano et sa femme Teresa. L’une de leurs filles, Adriana, ses deux fils : Luca (16 ans) et Mirco (22ans) avec son amoureuse Marilena (20 ans) enceinte de sept mois d’un petit garçon qui s’appellera Elia. Savoureux déjeuner : Teresa est une excellente cuisinière. Après les incontournables pâtes en entrée, elle nous a préparé un mélange de chou cru et de chou cuit vraiment délicieux. Avec du poulet. Tout cela mitonné sur la cuisinière à bois.
Et le soir, de nouveau invités, nous avons droit au risotto Vénitien. Mirco, qui a un ami cuisinier dans le restaurant de la tour Eiffel (ce qui lui a donné l’occasion d’aller plusieurs fois à Paris) nous explique que ce plat-là, servi dans ce restaurant-là, coûte 35 € la part !
Nous avons droit à notre premier cours de dialecte Veneto.

21 Mars : Corte Ruffo – Pilastro 23 km PRINTEMPS !!!!!

Le départ est un peu difficile ! Toute la famille regrette de nous voir partir. On nous a bien proposé de rester plus longtemps, mais il faut avancer. Petit café d’adieu, embrassades...
GRAZIE ADRIANO , TERESA, ADRIANA, MIRCO, MARILENA, LUCA... MILLE GRAZIE PER LA VOSTRA INDIMENTICABILE ACCOGLIENZA !!!!!!

Et dernier souvenir du lieu : Océane et Noé profitent de la pose photo pour se faire un gros câlin.

Nous traversons Bovolone, qui n’en finit pas. Une voiture « polizia » arrive en face de nous. On n’y prête pas attention, mais la vigile, une toute jeune femme, en descend et court derrière nous. On s’arrête. « Documenti » ! C’est bien le moment ! On est sur la route, garés à ras le trottoir, et on gêne quelque peu la circulation. Bref, Oswald va chercher les passeports, les lui tend. Elle s’en empare, et retourne à sa voiture, garée 50 bons mètres plus loin, de l’autre côté de la route. On attend, on attend, les juments commencent à s’impatienter. Qu’est-ce que c’est que cet arrêt en pleine ville, à peine une demi-heure après le départ, et sans le moindre brin d’herbe à croquer ? Au bout d’un moment, Oswald va rejoindre la fliquette. Il récupère les passeports, croit comprendre qu’elle lui dit d’attendre, mais n’en tient pas compte. Il revient à la roulotte et me dit de partir. 500 mètres plus loin, la demoiselle nous double, et nous fait signe de nous garer. Là, au moins, il y a un déport, et on ne dérange personne. La vigile nous explique que nous devons attendre 10 mn, que quelqu’un va venir pour un contrôle. On se résigne à attendre, mais les dix minutes sont passées, et personne n’arrive. Ils veulent contrôler quoi, d’ailleurs ? Que les clignotants de la roulotte fonctionnent bien ? Les juments s’impatientent sérieusement. Je l’explique à Mademoiselle la Policière. Je lui demande l’autorisation de partir. Oswald lui a montré notre chemin sur la carte, elle n’aura aucun mal à nous rattraper avec son fichu contrôleur ! Elle refuse sous prétexte que la route que nous allons emprunter et très étroite, et qu’on entravera la circulation pendant le contrôle. Noé, qui ne nous avait jamais fait ça une seule fois depuis le début de l’aventure, choisit précisément et très judicieusement ce moment précis pour se cabrer de toute sa hauteur ! Harnachée et attelée : très impressionnant. J’en profite pour lancer à la fliquette un « Ah ! Vous voyez ! », et je fais démarrer les juments sans plus lui demander son avis. Elle nous suit, le téléphone collé sur l’oreille, sans doute pour téléguider le fameux contrôleur. Environ deux kilomètres plus loin (c’est toujours ça de gagné), elle nous double, s’arrête, et précise que le contrôleur est là. Pendant ce temps, arrivent en face de nous deux autres véhicules « polizia » : une voiture et une camionnette. La demoiselle a alerté les flics des communes voisines, pour nous prendre en sandwich, au cas où nous aurions eu des velléités d’échapper au contrôle !!!! Passons.
Pas gênée, d’ailleurs, la fliquette : elle qui prétendait que ce serait ennuyeux de contrôler sur une route aussi étroite, elle a garé sa voiture en plein virage !
Le contrôleur est un... vétérinaire. Fort sympathique.
Explication : la fliquette ne nous a pas arrêtés par hasard, juste parce qu’elle avait aperçu un véhicule bizarre. Une bonne âme avait appelé pour signaler notre passage en ville, et surtout pour s’inquiéter de savoir si nos animaux étaient bien traités !!! Les défenseurs des animaux sont décidément très actifs en Italie. Ils feraient bien de lancer une grande campagne expliquant que les ordures jetées dans la nature sont nocives pour les animaux sauvages.
La fliquette nous explique très sérieusement, avec des petits airs d’excuse, que si on lui téléphone pour signaler quelque chose d’anormal, elle est bien obligée de faire son boulot. Donc elle a appelé le véto de service ! Qui examine le chien et les juments, puis jette un coup d’œil sur leurs papiers. Le véto et la fliquette poussent même leur conscience professionnelle jusqu’à tout photographier : bestioles et papiers ! Tout est OK.

Comble des combles : Nous nous étions fait arrêter par la polizia lors de nos débuts en Italie pour nous interdire d’attacher Altaï (c’était un vétérinaire qui, nous voyant passer, avait téléphoné aux flics pour prévenir qu’on « torturait » notre chien)
Aujourd’hui, le véto nous dit qu’on ferait mieux de l’attacher, par mesure de sécurité !!!
Là, je bondis ! On a passé des heures à éduquer Altaï pour lui apprendre à ne jamais, sous aucun prétexte, quitter le bas-côté droit. Quand on arrive à un carrefour, il s’arrête pour attendre le commandement « rüber » ou « traverse » selon que c’est Oswald ou moi qui donne l’ordre. (Eh oui, il est bilingue, notre toutou !) Il est maintenant tout heureux de courir librement à côté de nous. On l’attache uniquement pour les passages vraiment délicats. J’explique la chose au véto. Il hausse les épaules. « Bon, comme vous voulez... »
Finalement contrôle terminé, atmosphère plus détendue, Oswald offre des bonbons à la ronde, et ça finit dans les rires !
Mais toute cette histoire ne nous a pas mis en avance. Et on ne trouve pas d’endroit pour faire étape.
On roule, on roule, et on finit même par traverser l’Adige, ce qui n’était pas prévu dans notre programme du jour.

Finalement, partis à 10 heures 20 ce matin, lorsque nous découvrons enfin une halte à Pilastro, sur un terrain de football désaffecté, il est presque 16 heures. Rude journée !

22 Mars

Repos, après l’éprouvante journée d’hier.
Câlins aux juments.

Et déniché tout près de la roulotte une taverne bavaroise qui fait le bonheur d’Oswald !

23 Mars : Pilastro – S.Andrea (Cologna Veneta) 15 km

Un temps superbe, une étape qui semble se présenter tranquille, sur des petites routes peu fréquentées... Agriculture assez variée.

Mais... Respirez le bon air de la campagne !

Tranquille, l’étape ? Erreur ! À Cologna, nous empruntons une étroite ruelle qui se termine en T. Ici, tourner à droite. Je prends le virage un peu trop serré, et voilà Kaplumbağa coincée contre un pilastre, la roue arrière droite en l’air !

Il faut dételer, reculer la roulotte à la main (un monsieur vient gentiment nous épauler), ré-atteler. Cette fois, Oswald marche à pied devant les juments pour les aider à prendre le bon angle. Ça passe, mais juste-juste-juste !
Heureusement, quelques kilomètres plus loin, aucune difficulté pour trouver un emplacement ! Une grande maison à la campagne, un pré excellent, une famille très chaleureuse avec cinq jeunes enfants et le sixième pour bientôt ! Les enfants sont émerveillés. Des enfants gentils, équilibrés, calmes, curieux, souriants, élevés sans télévision. Un vrai choix de vie.
GRAZIE Simone, Silvia e tutti le bambini !

24 Mars : S.Andrea – Sossano 14 km

Il fait beau, petites routes peu fréquentées, et enfin des paysages de colline à l’horizon. Ça nous change des platitudes.

Et encore un contrôle de la polizia ! Ce policier-ci, souriant, nous a bien donné l’impression de nous arrêter par pure curiosité. Il nous a questionnés sur notre voyage et nous a demandé la permission de prendre des photos. Ce qui ne l’a pas empêché de réclamer nos passeports. Sur lesquels il n’a d’ailleurs jeté qu’un bref coup d’œil.
Arrivés à Sossano, on commence à chercher un emplacement. Ce serait chouette qu’on puisse rester demain, car demain, c’est journée pluie, d’après la météo. On aperçoit de loin un parking assez vaste flanqué d’une friche. Ça ressemble à un test d’intelligence pour rats de laboratoire que de trouver le moyen d’y parvenir. Mais comme on n’a pas une cervelle inférieure à celle des rats , on y arrive.
Bien sûr, la mairie est fermée (il est 13 h). On décide de s’installer et de se préoccuper des autorisations après.
On n’aura pas besoin d’aller à la mairie. La friche est privée. On a à peine dételé que le propriétaire vient à notre rencontre. Il s’appelle Michele (prononcez Mikélé) Et il nous donne très gentiment la permission de nous installer. Il nous fournit même l’eau pour les juments. Et on peut rester demain s’il pleut. GRAZIE, MICHELE !

25 Mars

Il pleut, il pleut, il pleut ! La nouvelle de notre arrivée a très vite fait le tour du village. À 7h30, une dame vient nous offrir du pain frais pour le petit déjeuner. Une autre arrive à 8h, avec du pain frais, elle aussi, et en plus : des « sfogliatine al burro » (sortes de biscuits feuilletés), un litre de lait, du vin, et du salami ! Plus tard, à l’heure du déjeuner, un jeune couple nous offre une « colomba pascuale » (gâteau traditionnel de Pâques) et des « crostini di mais » (sortes de petits pains croquants à la farine de maïs, spécialité du coin)

Dans l’après-midi, la pluie chante sur le bois de kaplumbağa et le vent secoue sérieusement notre roulottine. Rien d’autre à faire que de nous blottir dans le ventre de notre cocon douillet pour lire et pour écrire. Coup de klaxon. Nouveau cadeau : du lait, du café, et une douzaine d’œufs « tout frais sortis du cul de la poule ».
Les gens se mettent en quatre pour nous rendre service. On nous a ramené en voiture le sac de 20 kg de croquettes pour Altaï. On nous a réimprimé des cartes de visite (on n’en avait plus à force d’en distribuer à tout le monde). On apporte des gâteries et des caresses aux juments. « Et surtout, si vous avez besoin de quelque chose, n’hésitez pas ! »
Toutes ces attentions nous touchent énormément !
MERCI À VOUS TOUS, HABITANTS DE SOSSANO ! GRAZIE !

Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de la Maman d’Oswald, morte depuis longtemps. Oswald le commémore chaque année avec une violette et une bougie. Il n’a pas voulu déroger à ce rituel.

26 Mars : Sossano – Monte Labbia (Albettone) 9km

Il pleut, mais la météo annonce une amélioration. On avait prévu de ne pas partir, puis à neuf heures, Oswald affirme péremptoirement qu’on peut atteler quand même « puisque la météo dit que ça va s ’arrêter ». Je ne me sentais pas du tout prête. Je m’attendais à une nouvelle journée cocon. Je grogne. Il bruine toujours. Après une discussion assez vive, on décide de s’en aller. Je me sens fatiguée, et la pluie ne s’arrête pas. La route est glissante. Pour comble, nous rasons les Préalpes Vicentines,

et nous n’échapperons pas à une grosse montée bien raide. Les juments dérapent à deux ou trois reprises, et me repasse dans la tête la chute à Chalamont. Gros nœud dans le ventre. Mais elles s’en sortent bien, les filles ! Après tous ces jours de plaine à l’infini, elles n’avaient plus l’habitude d’un tel effort ! Je les arrête en haut de la côte pour leur permettre de reprendre haleine. Noé est très essoufflée, mais la brave Océane, pas du tout ! Fraîche comme un gardon !
Oswald en profite pour aller à pied explorer les environs : on nous a dit, au village précédent, qu’il y a par là un terrain de moto-cross, où nous pourrions peut-être nous arrêter.
Il revient dix minutes plus tard dans une camionnette, et me dit de la suivre. Suivons donc. On nous amène jusqu’à une carrière de calcaire. De l’eau, des toilettes, une prairie bien pentue mais bien fournie en herbes variées pour les juments.

Et voici que même ici, on nous comble encore de cadeaux !

Nous surplombons la carrière, qui se trouve là-bas, tout en bas.
« En 1997, avant l’ouverture de la carrière, nous explique fièrement notre hôte, il y avait là une montagne. Dont le sommet était plus haut que le point où nous nous trouvons en ce moment. Vous voyez ? Maintenant, il ne reste presque plus rien de cette montagne. Toute la plaine que vous voyez à côté de la carrière, avant, c’était la montagne. On y a ramené de la terre quand tout a été mis au niveau de la plaine, et désormais, on y cultive du froment. Ce qui reste de la montagne, c’est ce qu’on est encore en train de finir d’exploiter, que vous voyez là en bas. C’est la fin. Encore environ dix-huit mois pour réhabiliter le terrain. Là, vous voyez, on a déjà replanté des arbres pour stabiliser la pente. On va maintenant s’attaquer à une nouvelle montagne, un peu plus loin, plus petite que celle-ci ne l’était. »

27 Mars 

Le soleil daigne refaire son apparition. On en profite pour se balader dans les alentours.

Et à notre retour, on aperçoit de très haut notre Kaplumbağa.

les pauses nous servent aussi... à travailler. Nettoyage des couvertures au compresseur, par exemple. C’est le printemps, et les juments perdent leur poil !

Et notre hôte, Giancarlo, lave nos harnais au Kärcher. Les voilà tout nickel. Vive le biotane, bien plus facile à entretenir que le cuir.

Et puis comme ici il y a aussi une bascule facile d’accès, on en profite pour peser les juments. Verdict : Noé 560 kg, Océane 600 kg. Pour des juments qui toisent 1,55 m au garrot, pas mal !

28 Mars : Monte Labbia – Grisignano 19 km

Ciel bleu, soleil, douceur. Les juments sont si gentilles que je confie les guides un moment à Oswald.
Beau vieux four à chaux.

Après quelques kilomètres, Giancarlo nous rejoint : on avait oublié la fourche à crottin !!! Grazie, Giancarlo !

Tiens, un panneau d’entrée de village bien sympathique !

On finit par trouver un emplacement à Grisignano, près d’un petit canal : il faudra y puiser l’eau.

Étape reposante et assez étrange : personne ne vient nous voir, même pas la polizia ou les carabinieri !

29 Mars : Grisignano – Carturo 17 km

Un monsieur nous guide avec sa voiture, jusqu’à un endroit où il connaît « un très bon poste ». Juste avant le pont sur le Brenta, que nous devrons franchir pour continuer notre route.
Ah ? À l’arrivée, la barrière qui garde l’entrée est trop basse pour laisser passer Kaplumbağa.

Renato, le gardien des lieux, nous ouvre. Superbe pré, que nous désigne Renato. Et là, c’est le plus rocambolesque des accueils qui nous attend. Pour une fois, afin d’être aussi claire que possible, je vais user de petits numéros !
1) Renato nous ouvre la barrière et nous désigne le pré où nous pouvons installer les juments.
2) Oswald commence à planter les piquets de la clôture électrique pendant que je dégarnis les juments.
3) Renato vient nous voir : « désolé. Le propriétaire du pré refuse que vous installiez vos chevaux ici. Mais suivez-moi, je vais vous montrer un endroit où vous serez très tranquilles."
4) Renato nous emmène dans une ferme à l’abandon, entièrement clôturée, avec un étang. « Là, vous pourrez rester autant que vous voudrez. Il y a de l’eau, de l’espace pour les chevaux, personne ne viendra vous embêter. » L’endroit est vraiment génial, nous sommes ravis. On amène les juments en longe, et on pousse la roulotte jusqu’ici, avec l’aide de Renato et Mattéo.

Renato nous explique que ce lieu appartient à un milliardaire de Padova qui n’y vient presque jamais, sauf quand il invite des gens à la chasse ou à la pêche. Renato a les clefs, et entretient plus ou moins les lieux. Il peut y faire ce qu’il veut, excepté les jours de chasse et pêche. Renato repart en fermant à clef derrière nous l’inévitable grille, non sans nous montrer un « passage secret » pour que nous ne nous sentions pas prisonniers.

5) Les juments, ravies par tant d’espace, galopent comme des folles. Pas besoin de monter la clôture. Nous nous installons.
6) Renato revient catastrophé. Le vieux propriétaire milliardaire avait donné le feu vert. Cependant, une bonne âme qui nous a vus a téléphoné au fils du propriétaire, qui vient d’appeler Renato pour lui dire qu’il était hors de question de nous autoriser à rester là. Si nous avons bien compris, le père et le fils sont en grave bisbille. Il doit s’agir davantage pour le fils d’enquiquiner le père et peut-être Renato que de ne pas vouloir de nous.
7) Renato retéléphone au propriétaire du premier pré, insiste en expliquant que nous ne sommes pas des Zingari, et finit par décrocher l’autorisation de nous laisser monter la clôture ici.
8) Le soir, le propriétaire du pré vient nous rendre visite. Il est rassuré, nous ne sommes pas des Zingari. Je lui demande s’il est possible que nous restions une journée, et que nous ne repartions qu’après demain. Il prend un air un peu embêté, et m’explique qu’il loue ce pré à un paysan, qui récolte le foin pour ses vaches. Puis finit par dire oui, à condition que l’on diminue un peu la superficie encadrée par la clôture électrique. Ce que nous faisons : il y a largement assez d’herbe. D’autre part, on n’est pas encore arrivé à l’époque de la coupe des foins, l’herbe croquée par les juments aura largement le temps de repousser.
9) Enfin tranquilles !

Un groupe de cavaliers qui passe par là s’arrête discuter avec nous. Parmi eux, un superbe Romeo, qui nous propose de nous arrêter chez lui à notre prochaine étape. Pour y rester aussi longtemps que nous voulons ! Nous hésitons : nous aimerions trouver une halte non loin de la ligne de chemin de fer, où nous pourrions laisser les juments en toute sécurité le temps de visiter Venise. « Pas de problème, affirme Romeo, venez chez moi, et je vous emmènerai en voiture jusqu’à la gare. »
L’occasion rêvée ! Nous décidons qu’après-demain matin, nous serons chez lui.

30 Mars

Ce matin, Renato nous présente sa femme, Francesca, et toute sa meute de petits chiens. Ils sont onze !

Depuis le temps que nous manquions de nature ! Nous sommes ici dans une zone Natura 2000, dotée d’une protection spéciale.

Une piste cyclable, cavalière et pédestre longe le Brenta. Le matin, nous faisons une très longue promenade à pied le long de la rivière. Aigrettes, canards, cincles plongeurs, mouettes, cygnes, grèbes huppés, merles, mésanges, martinets, hirondelles... J’en oublie. Les fleurs explosent. Nombreuses ficaires. Tiens, ici, la véronique s’appelle « occhio de la Madonna. » (œil de la Madone) Les bras morts du Brenta sont peuplés de cistudes. Des deux côtés d’un petit barrage sur le Brenta, doté d’une micro centrale hydro-électrique, des escaliers à poisson ont été aménagés.

Enfin tranquilles ????? Eh non !!!!!
En rentrant de notre longue promenade, nous trouvons Renato très énervé, au bord des larmes. « Les gens sont si méchants, si méchants ! » gémit-il
Le fermier du propriétaire du pré, celui qui fauche l’herbe pour ses vaches, vient de lui téléphoner pour lui dire que si dans une heure nous ne sommes pas partis, il appelle les carabinieri !
Pauvre Renato ! Il en tremble, comme si c’était de sa faute. Mais il a déjà arrangé les choses : Il a téléphoné au propriétaire de l’agriturismo, là-bas, de l’autre côté de la route, à environ deux cent mètres d’ici, pour lui demander si on pouvait s’installer chez lui. C’est une sorte d’auberge, ouverte seulement le week-end, dont le propriétaire habite à Citadella, à une quinzaine de kilomètres. Donc, je continue notre épopée :

10) Pour éviter toute histoire, nous proposons de téléphoner à Romeo, pour le prévenir que nous arrivons aujourd’hui au lieu de demain, et nous attelons tout de suite.
11) Renato se met dans tous ses états. Non, non ! Il a tout arrangé. Pas besoin d’atteler les juments, on va les emmener en longe, et on poussera la roulotte à la main ! Comme ça, on attellera demain matin, en toute tranquillité, comme prévu.
12) Oswald grogne : pousser Kaplumbağa sur 200 mètres, et en montée...
13) On finit par se décider. Bon, OK. Plutôt par compassion pour Renato, prêt à pleurer.
14) On emmène les juments à la longe jusqu’au lieu-dit « la Passaïa »
15) Le propriétaire des lieux arrive. Il nous propose de tracter la roulotte jusqu’ici avec sa voiture. Ouf !!!
16) Nous voici donc dans ce nouvel endroit, avec l’assurance de ne pas voir les carabinieri, et d’être laissés tranquilles.

GRAZIE, GRAZIE, RENATO !

Le maître des lieux nous fait visiter son auberge, ancienne ferme entièrement restaurée avec beaucoup de goût.
Arrive un nouveau visiteur, accompagné de sa fille. Il s’appelle Tiberio. Il possède un centre équestre. Ecole d’équitation western, attelage, spectacles à cheval... Ça s’appelle : « Centro Ippico Antistress ». Il nous invite à dîner chez lui : il nous y emmènera en voiture. Comme il connaît Romeo, il lui téléphone pour l’inviter aussi.

Superbe coucher de soleil avant de passer à table !

Fort sympathique soirée !

Quelques remarques

Quelle jolie coutume du Veneto ! Lorsque nous avons vu ça, le premier jour de notre entrée dans la région, nous avons cru avoir à faire à des originaux. Mais non ! C’est comme ça, ici, que l’on annonce triomphalement à tout un chacun l’arrivée au monde d’un bébé tout neuf. Trop CHOU ! Oh, Pardon ! Trop CIGOGNE ! On apprendra plus tard que cela existe un peu partout en Italie. Pourtant, jusque là, on n’avait jamais vu ça. Ici, dans le Veneto, cinq en quelques jours ! Une explication donnée par Luciano : l’Italie a le plus bas taux de natalité d’Europe. Mais le Veneto a le plus haut taux de natalité d’Italie !

- Chez Adriano, nous avons appris que le dialecte du Veneto est encore très vivant. On le parle en famille, et entre copains, même chez les plus jeunes. Les cours à l’école sont bien sûr donnés en Italien, mais quand on discute avec les profs après les cours, c’est en dialecte aussi. Ce dialecte, par-dessus le marché, varie d’une ville à l’autre. Celui de Venise diffère de celui de Vérone. À Venise, on ne parle QUE dialecte, tandis qu’à Vérone (la ville elle-même, pas la province) ça commence à se perdre un peu.
Quelques exemples ? (Veneto de Verona)

La petite fille : en italien « bambina », en veneto « buteleta ».

Le bébé : en italien « bimbo », en veneto « butin »

L’entonnoir : en italien « imbuto », en veneto « oroto » ou « tortor »

Le rat : en italien « topo », en veneto « rato » (tiens, tiens !)

La souris : en italien « topolino », en veneto « moriciola »

L’âne : en italien « asino », en veneto « musso »

Slurper (je ne sais pas si c’est bien français. Bon : faire du bruit en avalant un liquide) En allemand, il existe un verbe : Schlürfen. En Italien, pas de mot pour dire ça. En dialecte veneto, c’est « sorbolar »

Certains mots ressemblent à l’italien, mais en supprimant la dernière syllabe :

le chien : « cane » en italien, « can » en veneto.

Le cheval : « cavallo » en italien, « caval » en veneto.

Hop ! J’arrête là !

- Une chose assez agaçante : la manie italienne des alarmes a un inconvénient : elles se déclenchent souvent intempestivement pour un oui ou pour un non. Il ne se passe pas une journée sans qu’on en entende trois ou quatre. Et quand c’est en pleine nuit dans une ferme isolée où on croit enfin pouvoir dormir tranquille... !!!!

- Notre séjour dans la carrière nous oblige encore à nous triturer la cervelle. Démolir toute une montagne !!! D’après ce qu’on a cru comprendre, cela ne s’est pas accompli sans grincements de dents de la part des habitants des villages alentours. Mais il sert à quoi, au juste, tout ce calcaire, broyé en pierres de différentes grosseurs ? À faire du stabilisant pour la construction des routes. Et qui utilise les routes ? Vous, nous, presque tout le monde, quoi. Même le cycliste très fier de son mode de locomotion non polluant ! Alors si vous pensez que les démolisseurs de montagnes sont des monstres, n’utilisez plus les routes, s’il vous plaît... Reconnaissons aussi qu’un gros effort est fait pour redonner un aspect plus vert au paysage après l’exploitation.

- Même les petits chiens sont patriotes !

- On nous offre un gâteau traditionnel de Vicenza, nommé « la gata », la chatte. On prétend que les habitants de cette ville mangent les chats. Bien entendu, les Vicentini s’en défendent avec vigueur. Il n’empêche qu’ils ont dénommé « chatte » leur gâteau. (coïncidence amusante, chat se dit « gatto » en Italien.) Mais d’où provient donc cette légende ? Une version prétend que lors d’une peste, ou peut-être pendant le siège de leur ville par une armée ennemie, les habitants affamés en auraient été réduits à manger les chats. L’autre version conclut à une confusion linguistique. Dans l’ancien dialecte de Vicenza, « vous avez mangé » se dit « gatu magna ». D’où la confusion que les Italiens ont pu faire entre « gatu » et « gatto », en traduisant « gatu magna » par « gatto mangiato » (« chat mangé »)

Dicton du coin :

Veneziani gran signori
Padovani gran dottori
Vicentini mangia gatti

(Les Vénitiens sont grands seigneurs, les Padouans sont grands savants, les gens de Vicenza mangent du chat)

Anne, 31 Mars 2015

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