19 Février : cascina Gioiello – Villanterio 13 km
Après 10 jours d’arrêt, bien gavées, les juments reprennent la route, un peu trop fringantes !
Route tout à fait chaotique, pleine de trous, mon pauvre dos n’apprécie guère. Tant pis, il faut faire avec.
Une fine couche de brume flotte sur les champs labourés. Mais où sont les elfes ?
Pour finir par tomber sur une grande route telle que je les détestes : grosse circulation, beaucoup de camions. Le genre de route sur laquelles les automobilistes sont toujours pressés. Quand aux chauffeurs de poids lourds, ils sont au boulot et doivent arriver à l’heure. Le seul avantage de ce genre de voie, c’est qu’elles n’ont pas, ou disons moins, de trous. J’aime les toutes petites routes. À Oswald, elles font un peu peur : elles sont si étroites que les croisements peuvent se révéler acrobatiques. Il faut parfois se ranger sur un bas-côté bien étriqué pour laisser passer le véhicule qui veut doubler. Mais les automobilistes y sont particulièrement courtois et patients. Nombre d’entre eux s’arrêtent dès que possible, du plus loin qu’ils nous aperçoivent, pour nous laisser passer. Tandis que là... Un énorme camion arrive derrière nous en klaxonnant plusieurs fois de suite, nous double en nous rasant d’aussi près qu’il le peut. Le comble ? C’est un camion qui transporte des chevaux de course ! Eh ben bravo le chauffeur ! Je ne lui confierais pas nos juments pour tout l’or du monde.
Tiens tiens ! Encore un village bien accueillant ! Même pas la peine de s’arrêter demander si on pourrait avoir un emplacement pour la nuit.
Quelques kilomètres plus tard, nous voici donc à Villanterio. Nous bifurquons sur la droite, direction Inverno, en espérant trouver une route plus modeste. Raté ! C’est encore pire ! Et pourtant... À la sortie du village, une zone industrielle. Là, un peu à l’écart de la chaussée, une sorte de parking goudronné, et une vaste friche. Passer la nuit ici ne nous enchante pas, mais que va-t-on trouver plus loin ? La friche est vraiment en retrait de la route, et il y a de l’eau. Les juments d’abord, tant pis pour nous.
Nous avons à peine fini de dégarnir que coucou qui voilà ? Devinez ! Polizia ! « Documenti ! » Alors celle-là, on ne nous l’avait pas encore faite : il veut voir les papiers du « camion », le monsieur ! Je le regarde droit dans les yeux, et je lui réplique, très sûre de moi, que nous n’avons pas de « documenti » pour le « camion », et que ce n’est obligatoire d’avoir des « documenti » pour les véhicules hippomobiles que dans le cas où ils servent à des spectacles. Le nôtre ne sert qu’au voyage. Il me regarde un peu interloqué et me répond « Ah bon ? » Bref, il nous donne quand même la permission de rester là cette nuit, à condition qu’on pousse un peu la roulotte, qu’il trouve mal stationnée. Bon, si y’a qu’ça pour lui faire plaisir, on va pas discuter, hein ? Ça ne vous lasse pas trop, nos histoires de flics ? Pour nous, pas de problème : on commence à s’habituer.
Et peut être bien que cet emplacement nous attendait : le vaste bâtiment juste derrière Kaplumbaga est une remise pour camping-cars et « roulottes » (à vrai dire, ce sont les caravanes qui sont ainsi nommées)
Plusieurs personnes s’arrêtent discuter avec nous, dont une Edith qui nous propose de venir chez elle demain, dans sa cascina. Cela se trouve pile sur notre route, à seulement 5 km d’ici. Ça ne fera pas une grosse étape, mais l’occasion justement de faire marcher Noé pieds nus histoire de commencer à lui ré-endurcir un peu la corne. D’ailleurs, pas question de refuser une invitation faite de si bon cœur ! Un peu plus tard, c’est un Pippo qui nous dit qu’un très bon ami à lui habite non loin de cette cascina, et qui nous propose de venir demain matin pour nous précéder avec sa voiture pour nous montrer le chemin.
On est quand même toujours consternés par la saleté impressionnante des bas-côtés. On croyait que les Italiens aimaient la beauté... Mais enfin, voyons, Anne et Oswald ! Est-ce que des bas-côtés de route ont besoin d’être beaux ? Voyons !
20 Février : Villanterio – Casale Guaitina 5 km
Jolie brume au petit matin.
Comme promis, Pippo est là pour nous montrer le chemin. Il nous devance en roulant à sa propre vitesse, puis nous attend à chaque carrefour pour nous expliquer par où tourner. Pippo doit avoir environ 80 ans, il est grand, mince, vêtu très élégamment et roule en Mercedes. C’est un incroyable bavard . Il parle, et parle, pose des questions et donne lui-même les réponses, impossible de placer un mot. Ça recommence à chaque carrefour ! Au lieu de simplement nous dire « ici il faut tourner à droite », il se lance dans d’interminables discours (sur le fait que Noé sue, par exemple, et que c’est très mauvais pour sa santé !)
Les juments sont assez sages. Plus qu’hier, en tout cas. Nous parcourons environ un kilomètre sur la route infernale, avant de retrouver des voies plus fréquentables pour une roulotte.
À notre arrivée, nous sommes accueillis très gentiment par la sœur de Edith, qui nous attendait. Elle parle anglais et espagnol, c’est super ! Les juments sont installées juste à côté de la porcherie. Je me méfie un peu de leurs réactions. Depuis le début du voyage, les deux seules fois où Noé a sérieusement bronché quand un camion nous a doublé, c’était parce que le camion en question transportait des cochons. Le bruit ? L’odeur ? Ou les deux à la fois ?
Eh bien non ! Tout se passe bien. Les juments ne semblent pas du tout incommodées par ce voisinage bruyant et odorant. Moi, je préfère ça, et de très loin, aux ronflements des camions et à la puanteur des gaz d’échappement. Quand à l’incorrigible Oswald... il prétend que ça lui donne faim ! Ah ! Un bon saucisson...
Nous voici donc bien installés.
La ferme voisine n’est pas défigurée par des bâtiments neufs. Typique de la région, avec ces aérations de briques qui me séduisent vraiment.
L’histoire de Casale Guaitina, vous pouvez la lire ICI
Puisque la pluie est encore annoncée pour quelque jours, nous allons profiter de l’hospitalité qu’on nous propose si gentiment !
25 Février
Ouh là là là là !!!!!!!!
On ne s’attendait pas du tout à ÇA !!!!!!!
Il y a à Casale Guaitina une bascule qui sert à la pesée des camions.
Kaplumbağa est stationnée juste à côté.
Ce serait dommage de ne pas en profiter pour connaître son poids réel. Remorque comprise.
Elle pesait 450 Kg, à vide, quand nous l’avons achetée.
Mais nous lui avons fait subir quelques transformations pesantes.
Et puis il y a la remorque. Assez lourde, quand même la remorque.
Et les réserves d’eau.
Et en cette saison : du bois.
Mais quand même.
On était loin d’imaginer que c’était à ce point là !
D’autant moins que nous la déplaçons facilement à nous deux, sur terrain plat.
Il est vrai que dans ce cas, nous décrochons la remorque, pour la ré-atteler après le déplacement.
Mais ça nous est même arrivés de la pousser avec la remorque.
Mieux que ça : un matin avant de partir, alors qu’on avait largement la place pour faire demi-tour avec les juments attelées, Oswald s’est fourré dans la tête de faire faire ce demi-tour lui-même à Kaplumbağa. Sans me prévenir. C’était tôt le matin, j’étais encore au lit, quand j’ai senti la roulotte bouger. Messire Oswald avait baissé le timon, et tirait tout seul, avec la remorque attelée. Bon OK, c’était sur du ciment assez lisse, mais quand même ! Vous avez vu ça s’il est costaud, mon mec ? Non ? Ben allez donc voir ci-dessous le poids qu’il a tiré ! Vous ajoutez encore 54 kg (le mien, de poids). On a pourtant un peu dépassé la période parade nuptiale ! Mais quand un type veut jouer les gros bras pour se faire remarquer de sa belle, allez donc l’en empêcher ! Il fallait que j’admire sa force ! Sa puissance ! Et encore, ce jour-là, on ne savait pas...
Bref.
Le résultat de la pesée a quand même été une grosse surprise.
1780 Kg !
La preuve :
Nous estimions... autour de 900 ou 1000 ! Nous étions très loin du compte.
Il va falloir penser à restreindre quand nous arriverons dans des régions plus montagneuses !
Sur le plat, ça va : Kaplumbağa est très roulante.
Enfin quand même... D’autant plus qu’il faut ajouter nos deux poids additionnés (140 kg tout habillés) et le foin, qui n’était pas sur la remorque à la pesée. Au total, pratiquement deux tonnes.
Kaplumbağa à elle toute seule, sans la remorque, c’est 1560 Kg. La question que nous nous posons : comment avons-nous pu ajouter autant de kilos à notre petite roulottine ? Nous allons réfléchir à la question... Même si on se débarrasse d’un certain nombre de choses, on arrivera peut-être à supprimer 100 kg ? 200 ? Il en restera encore pas mal !
Il nous en reste l’impression que pas mal de roulottiers doivent (comme nous) sous-estimer sérieusement le poids de leur nid roulant. Parce que quand on voit ces grosses roulottes en bois costaud... On aimerait bien savoir si certains d’entre vous, amis roulottiers, ont passé vraiment leur habitat sur une vraie bascule, tout chargé. Et de combien de kilos vous étiez-vous trompés dans vos estimations ? On regrette beaucoup de n’avoir pas pensé à peser la ferraille supplémentaire, lors de nos aménagements. Ni le liège de l’isolation, ni le poêle, ni la batterie, ni nos vêtements, ni... ni... ni...
26 Février : Casale Guaitina – Ca de Mazzi 17,3 km
Bien entendu, on n’a pas soufflé mot à nos juments de cette nouvelle donne. Inutile de les inquiéter. Elles ont donc tiré allègrement la roulotte, sans voir aucune différence avec AVANT. Que l’ignorance est donc bonne, parfois !
Pourtant, cette étape-là nous a permis de renouer avec un paysage très vallonné ! Bonnes petite montées, jolies descentes sinueuses... qui nous ont permis d’apprécier le bon chemin que prend le pied de Noé.
Plus de rizières, mais des vignes, taillées très hautes, et des prairies.
Nous arrivons à Livraga, nous nous arrêtons à la mairie, qui nous trouve un emplacement... deux kilomètres en arrière, à Ca de Mazzi, où nous venons de passer. Il est déjà tard. Continuer à avancer ? On n’est pas sûr du nombre de kilomètres à parcourir avant de prouver une halte. Mon dos commence à en avoir sérieusement... plein le dos !
Donc, demi-tour !
En début de journée nous avons commis une erreur de navigation qui nous a coûté un bon kilomètre. Nous avons trois cartes, aucune n’est dessinée de la même manière, et toutes nous induisent en erreur à un moment ou à un autre. Et la pire, c’est la Michelin !!! Michelin ? Excellentes cartes en ce qui concerne la France, mais pour l’Italie, il faudrait qu’ils révisent sérieusement leur copie. Le pire coup qu’ils nous ont fait ? (ou plutôt qu’ils ont failli nous faire : les gens du cru nous ont prévenu à temps) Une jolie route qui traversait joyeusement une rivière. Sauf que, dans la réalité, le pont n’existe pas !
Ce seront donc environ 5 km en trop que nous aurons parcouru aujourd’hui. Tant pis, c’est ça le voyage, aussi.
Le paysan de Ca de Mazzi, contacté par la mairie, nous attend pour nous montrer l’emplacement qu’il nous a réservé. Superbe pré. Il nous dit qu’on peut y mettre la roulotte aussi, mais vu les pluies qui viennent de sévir, on a un peu peur de l’embourber. Le monsieur nous installe donc... dans un silo. Vide de son ensilage, mais pas de son parfum. En tout cas, le sol est bétonné, Kaplumbağa ne risque pas de s’y enfoncer.
Juste à côté, le silo est plein.
Océane et Noé, elles, sont aux anges. Herbe très verte en abondance. Juste à côté de la stabulation où ruminent les vaches laitières.
Les agriculteurs qui nous reçoivent ont une trentaine d’hectares et 150 vaches laitières ! Ils cultivent essentiellement de l’herbe et du maïs, distribués sous forme d’ensilage (« tranciato » en italien, c’est à dire « tranché ») aux vaches en stabulation libre.
Quelques hectares en montagne leur permettent d’avoir de « l’herbe médicinale ».
Les vaches sont traites deux fois par jour, à 4 heures du matin, et 16 heures l’après-midi. La salle de traite comporte 16 places, et la traite des 150 vaches prend entre 1h et 1h30.
Tous les déchets de plastique (bâche d’ensilage abîmées, enrobages de foin, etc... sont entassés, et récupérés deux fois par an par un gros camion pour être recyclés.
L’exploitation est trop petite pour monter une « usine » de méthanisation. Comme il y a d’autres éleveurs aux alentours, Oswald a demandé s’il ne serait pas possible de s’entendre pour une installation collective. Réponse, avec un petit sourire en coin : « oh vous savez, c’est comme vos chevaux. On a chacun notre bride avec des œillères. » Ah bon ? OK, y’a pas qu’en France...
28 Février : Ca de Mazzi – Zorlesco 9 km
Partis sous un beau soleil. Grande douceur. Le printemps arrive. Tapis de véroniques en fleurs.
Traversé Livrago.
Et franchi le pont sur l’autoroute.
Un très bon point à la commune de Brembio ! À l’entrée de la commune (ici, les panneaux indiquant l’entrée dans la commune sont VRAIMENT à l’entrée du territoire communal. C’est à dire en pleine cambrousse !) un grand écriteau signalant l’interdiction absolue de jeter des déchets sur tout le territoire de la commune, sous peine d’amende. Bon, de ces panneaux là, on en trouve partout, et ils n’ont guère prouvé leur efficacité. Mais là... Pas de déchets dans les fossés, pas de poubelles explosées sur le bord de la route ! Ça fait presque bizarre... Comme un vide... La commune a sûrement dû prendre des mesures drastiques pour en arriver là. Probablement possède-t-elle un service de nettoyage efficace. Et puis aussi, quand c’est propre, on est peut-être moins enclin à jeter n’importe quoi n’importe où. Quand tout est déjà très sale, on peut se dire « bah ! Un de plus ou un de moins... » En tout cas, BRAV0 Brembio !
On avait bien l’intention de rouler plus longtemps que ça aujourd’hui, mais quand on a vu cette belle place et cette vaste friche près du cimetière de Zorlesco, on n’a pas voulu jouer au héron !
« Ouf ! » a conclu Altaï. Beaucoup de petites routes : on l’a laissé courir en liberté. Et sur la grande, on l’a quand même attaché à la remorque. Il a sagement repris sa place. Personne ne nous a fait de réflexion.
1er Mars : Zorlesco – Roggione 18 km
Ouf ! Étape assez longue : nous avons eu des difficultés pour trouver un emplacement adéquat.
Traversé tout Codogno, bourg assez important. Voyez comme Océane et Noé sont sages :
En cours de route Noé a perdu l’une de ses chaussures. Il a fallu s’arrêter, le temps qu’Oswald la retrouve. Cette fois, je suis assez surprise, car tout semblait parfaitement réglé. Pour ne pas perdre trop de temps, Oswald déchausse l’autre antérieur de Noé, et nous continuons en laissant nus les deux pieds de devant. Je ne suis pas trop tranquille, parce que depuis la guérison de son abcès, nous ne laissons Noé pieds nus que sur de très courtes étapes, pour la réhabituer petit à petit. Ses soles a perdu de la dureté, tandis que celles d’Océane ont acquis une incroyable dureté.
À l’arrivée, un peu perplexe, j’examine le clog. La languette du protège-glomes est coupée. Comment est-ce arrivé ? Mystère ! En tout cas c’est l’explication de la perte.
Après avoir tournicoté un bon moment dans Pizzighettone, où nous avions prévu de faire étape, sans rien trouver de vraiment valable, nous décidons de continuer. Et finalement, nous découvrons à la sortie de Roggione, qui fait toujours partie de la commune de Pizzighettone, ce superbe pré attenant à une ancienne cascina en ruine.
Donc pas de regret d’avoir boudé auparavant deux emplacements un peu scabreux.
2 Mars
Réveil brutal, alors que c’est notre jour de repos ! 7 h 15, des cris devant la roulotte : « Signor ! Signora ! » Vite, vite, je m’embobine dans mes vêtements et je sors. C’est une petite fille qui part pour l’école, accompagnée de sa maman. Elle me tend un cadeau. Elle s’est appliquée à écrire, en français s’il vous plaît (aidée par sa maman) en illustrant par des dessins le contenu du petit sac : des carottes pour les juments, des croûtes de fromage pour le chien, et un morceau de tarte pour nous. C’est pas mignon, ça ?
À la mi-journée, tiens donc ! Les inévitables carabinieri ! Alors que nous sommes installés sur un champ privé avec la permission du propriétaire. Ils viennent quand même vérifier nos passeports ! (Très gentiment et courtoisement, d’ailleurs)
Petit dialogue :
Oswald : on a la permission du propriétaire, vous savez !
Carabiniero : oui, oui, on le sait.
Oswald : Ah bon ? Il vous l’a dit ?
Carabiniero : non, non, il ne nous a rien dit.
Oswald : alors comment vous savez qu’il nous a donné la permission ?
Carabiniero : justement parce qu’il ne nous a pas prévenu ! S’il n’avait pas été d’accord, il nous aurait téléphoné !
Ce n’est pas si souvent qu’on est photographiés tous les deux ensemble. Alors on vous l’offre, celle-ci !
Et le mieux, c’est que cette Giusy-là, qui a pris la photo, nous a trouvé un hébergement pour notre prochaine étape, pile-poil sur notre route ! Donc pour demain, pas d’incertitude. Ça fait du bien, de temps en temps. Giusy nous a même envoyé le plan par mail.
3 Mars : Roggione – Paderno Ponchielli 14,5 km
Ciel bleu, douceur, juments assez sages, petites routes sur lesquelles on peut laisser courir Altaï, pas besoin de chercher un emplacement... quoi demander de plus ?
Nous avons parcouru les trois quarts du chemin quand, suprême luxe, le mari de Giusy nous arrête pour nous préciser l’endroit exact où nous devons nous arrêter. Il nous montre même une photo du lieu. On ne risque pas de se tromper.
Tiens ? Serions-nous arrivés au sommet du Mont Ararat ? Ou bien Noé se serait-il échoué en Italie, contrairement à ce que raconte la légende ?
Eh non, ce n’est pas un vrai ! C’est un machin en béton. Le palais du facteur Cheval local ?
Un joli clin d’œil aux prénoms de nos juments !
Incident à l’arrivée qui fait râler Oswald et me fait fondre en larmes. Oswald m’a demandé de m’arrêter sans entreprendre le demi-tour pour installer Kaplumbağa dans le sens du départ. « On la poussera à la main. » Pour nous éviter cette peine, j’ai voulu tenter malgré tout la manœuvre avec les juments attelées. C’était juste, mais je pensais y parvenir quand même. Raté ! J’ai pris le virage trop serré, la remorque est venue heurter la roulotte, et le clignotant a explosé. La fatigue de la route, plus la vexation d’avoir raté mon coup, et me voilà dans tous mes états. Heureusement, il faut avant tout s’occuper des juments. Les dégarnir, monter la clôture, les mettre au pré, les abreuver.
Pas le temps de ruminer ma mauvaise humeur. Et puis tellement contente d’être arrivée ! Je retrouve très vite le sourire.
Quelques remarques
Petit cours d’Italien.
Attention aux faux amis ! On nous a offert du vin « morbido » et du gâteau « morbido » aussi. Ce qui n’a rien à voir avec notre affreux « morbide » français. Cela veut dire « doux » ou « moelleux ».
L’équivalent de notre « merde » français qui est sensé porté bonheur, c’est : « boca de lupo ! » textuellement, « gueule de loup », sous entendu « que le loup te croque ! » ou plus poétique encore : « in culo de la balena ! », soit « dans le cul de la baleine ! » À quoi l’on doit répondre, pour bien faire : « crepi ! » (« crève ! »)
Nous voici à proximité de Cremona qui est la ville des trois T,
nous a-t-on affirmé :
Dans le dialecte Cremonien :
Touràss
Touròon
Tetàss
En Italien :
Torre ou mieux Torrazzo (suffixe péjoratif amplifiant la chose)
Torrone
Tette, ou mieux, Tettone (suffixe grossissant)
Traduit en français :
Touràss – Torrazzo, c’est la Tour. La Tour de Crémone, bien sûr. Enfin, celle de sa cathédrale. Il s’agit du clocher le plus haut de toute l’Italie (111 mètres) tout en haut duquel se trouve une horloge astronomique du XVIème siècle.
Touròon – Torrone, c’est une friandise, une sorte de nougat qui, si j’ai bien compris ressemble au Turón espagnol. C’est en tout cas la fierté de la gastronomie locale, obtenue à partir d’un mélange de blanc d’œuf, sucre, miel, amandes et noisettes, qui semble être apparu pour la première fois lors du banquet de mariage de Bianca Maria Visconti et Francesco Sforza (seigneurs de Milan), qui a eu lieu à Crémona en 1441.
Tetas – Tettone ce sont les tétons des femmes. Les femmes de Crémone ont paraît-il la réputation d’avoir des seins encombrants et beaucoup de lait !
Vous voulez voir ?
Anne, 4 Mars 2015